Nous nous rendons maintenant sous le portique ouest du sanctuaire,
où sont alignées de nombreuses bases de statues.
Celle qui va nous intéresser, à gauche sur la
photo,
est toute couverte de médaillons
sculptés.
Et dans chaque médaillon, une victoire.
FD III 4:476, 175-225 apr. J.C.
L'inscription est bien sûr
illisible telle quelle, mais cliquez sur l'image pour vous en approcher.
Sur la corniche a été gravé
l'en-tête, qui a le plus souffert de l'usure,
sur une pierre déjà très rugueuse.
Nous ferons donc confiance à l'éditeur,
qui n'a
cependant pas pu lire le nom complet du musicien.

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M(arkos)
Aurèlios 0[….]lon, citoyen et bouleute d'Ancyre,
bouleute de Smyrne, citoyen
d'Ephèse, d'Athènes, de Nicée,
de
Lacédémone, de Pruse, de Brindisi, de
Pergame,
de Corinthe, de Thespies, d'Argos, de Laodicée, de
Tarse :
sa
propre cité a érigé sa statue,
après ses victoires
dans les concours ci-dessous :
aux
Pythia, comme choraule,
aux
Capitolia, comme Pythaule,
à
Pouzzoles, comme Pythaule,
aux
Pythia, comme pythaule,
aux
Pythia, comme choraule,
à
Smyrne, comme pythaule,
à
Smyrne, comme choraule,
aux
Isthmia, comme pythaule,
aux
Ephesia, comme choraule,
aux
Aktia, comme choraule,
à
Pergame, comme pythaule,
à
Pergame, comme choraule,
aux Didymeia Commodeia, comme pythaule,
à Smyrne, comme choraule,
aux Didymeia Commodeia, comme choraule,
à
Smyrne, comme pythaule,
aux
Aktia, comme choraule,
à
Néapolis, comme choraule,
au
Bouclier d'Argos, comme pythaule,
au
Bouclier d'Argos, comme choraule,
aux
Barbilleia, comme pythaule,
aux
Barbilleia, comme choraule,
aux
Hadrianeia, comme pythaule,
à
Pergame, aux Traianeia, comme choraule,
à
Smyrne, comme pythaule,
Aux
Barbilleia, comme choraule,
aux
Barbilleia, comme choraule,
à
Smyrne, comme choraule,
aux
Nemeia, comme pythaule,
à
Smyrne, comme choraule,
à aux Olympia de Smyrne, comme pythaule,
aux
Haleia à Rhodes, comme pythaule,
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- en haut du côté droit de la base :
aux
Balbilleia, comme pythaule,
aux
Balbilleia, comme choraule,
aux
Aktia, comme pythaule,
aux Artémisia à Ephèse, comme choraule,
aux Augusteia à Pergame, comme choraule.
plus quelques traces d'autres victoires ...
|
Quel palmarès !
Et notons que ces victoires ont valu à notre homme 13 citoyennetés différentes
en plus de la sienne !
Mais que signifient exactement les termes "pythaule" et "choraule" ?
Le
pythaule ou
aulète pythique était un soliste qui devait, lors du concours des Pythia,
exécuter une pièce musicale très difficile appelée "nome pythique",
dont le sujet était la lutte entre Apollon et le serpent Python.
D'après notre palmarès,
on voit que cette dénomination s'est ensuite étendue à bien d'autres concours.
Quant au
choraule ou
aulète cyclique, il jouait d'un instrument plus aigu
et ne faisait au début qu'accompagner un choeur,
mais peu à peu ce fut lui qui supplanta le choeur.
Voir
Mousaios.
Voyons maintenant
comment a été établi ce palmarès.
A la différence des palmarès de
Ptolémaios et de
Septimios,
il n'est pas synthétique (avec une indication chiffrée du nombre de victoires),
ni géographique, puisqu'on voit se côtoyer par exemple sur une même rangée
Smyrne, Nikopolis, Naples et Argos,
mais pourrait avoir été établi au fur et à mesure des exploits de notre aulète.
Ainsi ce musicien s'est distingué à Smyrne quatre fois comme choraule,
et trois fois comme pythaule.
Je vous laisse repérer les autres victoires répétées pour un même concours.
Et si vous voulez situer géographiquement les victoires de notre homme,
cette carte vous en donnera une idée
(incomplète, puisque sa cité, Ancyre = Ankara, est plus à l'Est) :
A propos de la
prononciation du latin et du grec :
Le fait que le concours en l'honneur du célèbre astrologue romain
Balbillus
ait été écrit en grec tantôt "Barbilleia", tantôt "Balbilleia",
me suggère que peut-être le /L/ du latin était différent du /L/ grec,
et que ce /L/ latin était perçu par les Grecs entre un /R/ et un /L/.
Si les Grecs avaient eu un /L/ semblable à celui des Romains,
ils ne l'auraient pas confondu avec un /R/.
On sait que le L latin, après un A et avant une consonne,
est devenu peu à peu en Gaule une sorte de OU, la graphie française de
AUBE (<alba), PAUME (<palma), CHAUME (calamus) etc. en gardant la trace.
Mais à quelle époque cette évolution a-t-elle eu
lieu, et y eut-il la même évolution en Orient ???
On pourrait citer comme autre exemple parallèle de confusion grecque entre /R/ et /L/,
mais cette fois-ci à partir d'un R latin,
les deux graphies grecques "Ainobalbos" et "Ainobarbos" pour le nom de Néron,
Ahenobarbus.
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