initiation à l'épigraphie grecque par Claire Tuan : au musée de Drama.

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Trois inscriptions du musée de Drama

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Pas très connu, ce musée, et hors des sentiers battus par les touristes !
Mais il est pourtant bien intéressant.
Je vous présente trois inscriptions très différentes que j'ai pu y observer :
1. une stèle dédiée par un Thrace au dieu Poseidon,
2. le sarcophage d'un affranchi,
3. et enfin une borne le long d'une route.

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Voici la stèle, trouvée à Philippes :

stele de Mestypaibes

Le dieu Poséidon est reconnaissable au trident qu'il tient de la main gauche,
et le dauphin sur sa main droite évoque sans nul doute possible le milieu marin.

Lisons maintenant l'inscription :

inscription Mestypaibes
SEG 47:936, 1er ou IIe s. apr. J.C.

κυρίῳ Ποσιδῶνι Μεστυπαίβης
Αὐλουζενεος Σκιαζερηνὸς εὐ-
χὴν ἀνέθηκεν.                          

Au seigneur Poséidôn, Mestypaibès
fils d'Aulouzénis, du bourg des Skiazérènes,
a consacré en voeu.


On voit tout de suite que, même si l'inscription est en grec, les noms de personnes ne sont pas grecs.
Une recherche dans la base épigraphique PHI fait tout de suite apparaître
la grande fréquence du nom thrace du père,
Aulouzènis, dans les inscriptions retrouvées en Bulgarie.
En voici quelques unes parmi beaucoup d'autres,
où l'invocation à la divinité utilise aussi le terme : κύριος,
typique de la Thrace :

IGBulg II 542
 
  ἀγαθῇ τύχῃ.
Μοκιανὸς Αυλουζενε̣[ος]
κοιρίῳ  Ἀσκληπιῷ ἀ[νέθηκε].

IGBulg III,1 1090

      κυρίῳ Διὶ καὶ Ἥρᾳ
Βειθυς Αυλουζενεος κ[αὶ ․1-2․]ακετης Ἀσκα-
    νίου καὶ Σκωρια[νὸς κα]ὶ Σαδαλας εὐ-
                                χήν.
IGBulg III,1 1404

κυρίῳ θιῷ
Αυλουζενις Λονγίνου
Αυλουζενις Διουζηου.


Mestypaibès est un nom thace beaucoup plus rare,
nous n'en avons qu'un seul autre exemple à ce jour.

Quant à Skiazérènos, ce doit être un ethnique ou un démotique.


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Passons maintenant au sarcophage d'un affranchi, trouvé à Drama même :

sarcophage de Primigenios
BP (= Bielomorski Pregled, à Sofia) 1 (1942), 331,30, non daté.

Ce sarcophage est très sobre dans sa confection.
Son inscription est finement et soigneusement gravée,
avec des lettres aux formes également sobres, sans apices.
Elle présente des lettres rondes : les epsilon, les sigma, les ôméga,
ainsi qu'une séparation entre les mots, soit par un espace, soit par un petit point.
Pour la date, nous pouvons donc la rapprocher de cette inscription du musée du Louvre.

Πριμιγένιος Νουμηνίου ἀπελεύθερος
ζῶν ἑατῷ καὶ Πριμιγενίαι τῇ γυναικί.

Primigenios, affranchi de Noumènios,
de son vivant (a fait faire ce sacrophage)
pour lui-même et pour Primigenia son épouse.


Le nom Primigenios est adapté du latin primigenius (premier de son espèce, premier-né),
et Noumènios signifie à l'origine de la nouvelle lune,
mais c'était un nom fréquent, auquel on ne donnait peut-être
pas davantage de sens qu'à bien des prénoms français :
- René (=né une deuxième fois, par le baptême)
- Vincent  ou Victor (=le vainqueur)
- Dorothée (=don de Dieu)
- Georges (=le paysan)
- Christian (=chrétien), etc.

Quant à la forme ἑατῷ pour ἑαυτῷ, elle n'est pas rare dans certaines régions grecques :
en Attique, en Béotie, à Delphes, en Macédoine et ailleurs,
et nous l'avons déjà rencontrée, par exemple ici.


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Nous en arrivons maintenant à une borne routière,
qui n'est pas très facile à lire, du moins pour ce qui est de l'une des faces :

imag-drama/milliaire-A
imag-drama/milliaire-B
SEG 51:823, fin du IIIe ou début du IIe s. av. J.C.

Commençons par l'image de gauche. Nous lisons :

ἐκ Φιλίππων
στάδιοι τριά-
κοντα.

Depuis Philippes, 30 stades.

Pour déchiffrer l'inscription sur l'autre face,
approchons-nous, et aidons-nous des pointillés que j'ai rajoutés :

imag-drama/inscrMilliaireB
imag-drama/inscrMilliaireB-traces

On devine que la ville citée est Amphipolis, et qu'il y a un certain nombre de stades.
On peut reconstituer :

ἐξ Ἀμφιπόλ[ε]-
ως στάδιοι ...

Depuis Amphipolis, ... stades.

Le stade était pour les Grecs la mesure des distances, il valait 400 coudées,
soit 600 pieds, c'est-à-dire environ 180 m.

Mais les édifices appelés stades n'avaient pas tous la même longueur,
car ces unités de mesure n'avaient pas exactement
la même valeur dans toutes les régions de Grèce :
 Le pied à Olympie valait 32 cm, celui d'Athènes un peu moins.
Ainsi le stade d'Olympie mesurait 192 m de long,
celui de l'Isthme a d'abord mesuré 192 m, puis 181 m,
celui d'Epidaure 196 m,
celui de Némée 185 m.
Celui de Delphes était le plus petit, avec ses 177 m,
et celui  de Pergame l'un des plus grands, avec 210 m.

Notre borne, qui a été trouvée sur le territoire de Kalambaki,
était à 30 x 180 m (environ 5,5 km) de Philippes,
et à quelque 35 km d'Amphipolis par la route contournant le Pangée par le nord,
soit à peu près 200 stades.

imag-drama/Philippes-Amphipolis

museeDrama




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