initiation à l'épigraphie grecque par Claire Tuan, au Louvre 2.

main vers la gaucheretour à Louvre 1.

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louvrerom

Un sésame pour l'épigraphie grecque 

le LOUVRE (2)

louvrerom2


Après avoir vu l'évolution de l'alphabet grec au Ve siècle av. J.C.,
voyons comment les choses se passent ensuite.

Peu à peu se répand dans tout le monde grec
l'alphabet dit "ionien" que les Athéniens avaient adopté en 403 av. J.C.

Suivant les régions, les époques, les modes et le goût des graveurs,
des variations de type ornemental apparaissent et disparaissent.

En se promenant dans la salle d'épigraphie du Louvre,
on peut discerner plusieurs de ces variations.
 
Nous en retiendrons sept :

- les omicron, oméga et thêta plus petits 
- les "apices" et autres ornements
- l'alpha à barre brisée
- les lettres arrondies ou "lunaires"
- les lettres allongées vers le haut
- les lettres carrées ou en losanges
- les "ligatures".


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les omicron, oméga et thêta plus petits

c'est une "mode" du IIIe s. av. J.C., dont voici un exemple :

stelelouvre
détail d'un décret honorifique pour des bienfaiteurs d'Olonte (Crète, IIIe-IIe s. av. J.C.)

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les apices

"apices" est le pluriel d'un mot latin qui désigne entre autres
la crête ou l'aigrette des oiseaux,
et c'est le mot utilisé par les épigraphistes
 pour désigner les ornements dont nous voyons de beaux exemples ici :

stelelouvre
détail d'un décret de Smyrne, d'époque impériale, pour un bienfaiteur romain.

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l'alpha à barre brisée

il devient très courant (mais n'est jamais obligatoire)
dès le milieu du IIIe s. av. J.C.,
exemple :

stelelouvre
détail d'une stèle funéraire de Tanagra, vers 200 av. J.C.

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les lettres arrondies ou "lunaires"

L'arrondissement touche principalement le sigma et l'epsilon,
ainsi que l'oméga qui change complètement de forme
et fait apparaître l'oméga minuscule grec que nous connaissons.

stelelouvre
inscription d'un pilier hermaïque en l'honneur de Julius Cnosos (Ier ou IIe s. apr. J.C.)
traduction :
Pour Julius Cnosos, sophiste et excellent ami,
Fl(avius) Valens a fait faire (ce pilier) ainsi qu'il le voulait.

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lettres allongées vers le haut

Ici l'on aperçoit à la première ligne des alpha et des lambda
dont la branche de droite commence à monter, et de même pour le delta de la deuxième ligne :

stelelouvre
inscription funéraire pour Perseus, Antioche sur l'Oronte, vers 130 apr. J.C.

ailleurs on verra des exemples plus nets, par exemple à Olympie,
où nous ferons bientôt une autre "promenade épigraphique".


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les lettres carrées ou en losanges

Cette mode se voit dans l'image précédente,
et je souligne ici en vert les lettres les plus caractéristiques,

inscr louvre

mais aussi dans l'exemple ci-dessous,
où l'oméga a pris la forme d'un M à l'envers :

stelelouvre
détail d'une liste d'éphèbes, Cyzique, IIe s. apr. J.C.

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les ligatures

Ce procédé permet au graveur de gagner du temps
car il consiste à "coller" ensemble deux lettres voisines
en s'épargnant ainsi la gravure d'un élément (vertical le plus souvent).

Ainsi sur cette stèle,

stele thessalonique
(stèle funéraire, Thessalonique, fin du IIe s. apr. J.C.)
 
le dernier mot de l'épitaphe gravée en bas, MNHMHC (= "du souvenir"),

stelelouvre

a toutes ses lettres ligaturées entre elles.
La dernière lettre est le sigma "carré".


deuxième exemple : en haut de la stèle ci-dessous,
(dont vous avez une image complète plus nette que la mienne sur Wikipedia)
voyez à la première ligne l'omega et le nu de Thrason,
puis au milieu de la même ligne l'article "THN" dont le êta et le nu sont collés,
puis d'autres exemples que vous trouverez vous-mêmes.
Pour vérifier, cliquez sur l'image pour la voir en plus grand :
j'ai repassé les ligatures en bleu.

stelelouvre

Vous pouvez découvrir ici cette stèle entière,
avec la transcription et la traduction du texte inscrit.

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tableau récapitulatif de l'évolution de la forme des lettres grecques 

du IVe s. av. J.C. jusqu'à l'époque impériale.


- Les omicron, ôméga et thêta plus petits et plus hauts sur la ligne sont typiques du IIIe s. av. J.C. Parfois encore utilisés au siècle suivant, ils disparaissent ensuite.

- Les "apices" et l'alpha à barre brisée apparaissent et deviennent fréquents au milieu du IIIe s. av. J.C. et leur usage perdure jusqu'à la fin de l'époque romaine, en parallèle avec d'autres styles.

- Les lettres "lunaires" : epsilon, sigma et ôméga, apparaissent dès le IIIe s. av. J.C. (un peu avant pour le sigma) mais ne deviennent usuelles qu'à partir du Ier s. apr. J.C.. Ces lettres lunaires, inspirées des minuscules, sont en concurrence avec les majuscules classiques, sobres ou avec apices, jusqu'à la fin de l'Antiquité.

- Les alpha, delta et lambda ont parfois la barre de droite qui dépasse au dessus à l'époque impériale (à partir du IIe s. apr. J.C.). On voit de même des mu comme deux lambda accolés.

- Les lettres carrées ou en losange sont un style contemporain des lettres lunaires et des lettres allongées au dessus. Elles se prêtent tout particulièrement aux ligatures, qui deviennent fréquentes à partir du IIIe s. apr. J.C.

- L'époque de l'empereur Hadrien (années 120 apr. J.C.) voit fleurir une très belle gravure très ornée, dont voici un exemple photographié à Olympie :

inscr. olympie    inscr Olympie texte
On voit sur la pierre que les nu, les phi et les ôméga sont particulièrement élégants.
Les sigma sont carrés, un ôméga (ligne 7) l'est aussi,
et les êta ont leurs deux branches verticales séparées de la barre horizontale.

traduction du texte :
A la bonne Fortune.
La cité des Messéniens a consacré (la statue de) Titus Flavius Polybius
qui a remarquablement tenu son rôle de citoyen,
 pour ses qualités et pour la bienveillance qu'il ne cesse d'exercer à son égard,
et le très illustre Conseil Olympique a lui aussi confirmé par un vote cette consécration.

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