initiation à l'épigraphie grecque par Claire Tuan : visite à Eleusis, Isidotè.

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fragment de core  à Eleusis,  canephore monumentale

l'épigramme pour Isidotè.


Sur le chemin qui au delà des petits propylées mène vers le télesterion, sur la gauche, voici la base qui porte cette épigramme :

isidotè, vue de la base

En vous approchant, puis en cliquant sur l'image pour l'agrandir, vous allez pouvoir vous régaler d'une lecture facile :

le texte
                                     IG II² 3632 , fin du IIe s. apr. J.C.

Quelle belle écriture ! Et encore une fois le soleil a favorisé ma prise de vue !

Ce qui est moins facile, c'est de comprendre et de traduire ce texte.
Aussi m'en suis-je remise, pour une fois, à plus expert que moi,
et je vous livre la traduction en alexandrins que Simone Follet avait réalisée
dans son ouvrage  Athènes au IIe et au IIIe siècle, p.265.

texte Isidotè         "A la bonne fortune,

Hiérophantide inégalée de Dèmèter,
Aux beaux épis ; pour sa piété ayant conquis
Un grand renom ; par sa famille au premier rang
Dans cette immense Hellade et dans tout l'Orient ;
Descendante d'Isée, de ce prince des sages,
Qui forma l'empereur sans reproche, Hadrien,
En l'instruisant avec succès dans l'art des Muses ;
Fille d'un autre Isée, illustre lui-aussi ;
Brillant par ses vertus, ses actes mesurés,
Elle fut, en retour, emmenée par Déo
Vers les îles des bienheureux, loin de tout mal,
Et reçut une mort meilleure qu'un doux somme,
à celle des jeunes Argiens* bien préférable.
Elle avait, au début de leurs initiations,
Ceint les mystes royaux, Marc-Aurèle** et Commode.
Après un vote du Conseil chéri d'Arès***,
Une statue lui fut dressée, jeune**** et charmante,
Par Eunice, sa fille, et les fils de sa fille ;
Callaïschros et Glaucos, fils de Zoïle, honorent
En effigie la noble mère de leur mère,
Que Déo a conduite auprès des Immortels".

* allusion à Cléobis et Biton, ces deux fils d'une prêtresse d'Héra à Argos,
qui avaient remplacé les boeufs pour tirer le char de leur mère jusqu'au sanctuaire d'Héra, à 8 km de la ville,
et qui avaient reçu comme récompense de s'endormir du sommeil éternel.
** Cet Antonin est bien Marc-Aurèle. Son initiation et celle de son fils Commode eurent lieu en 176.
*** le Conseil de l'Aréopage
**** en fait le texte dit : "une nouvelle statue". Il est possible qu'Isidotè ait déjà été
de son vivant honorée d'une statue quand elle avait participé à l'initiation des deux empereurs,
mais celle qui a été érigée avec cette épigramme l'a été après la mort d'Isidotè.

Deux petites remarques sur la gravure :
- à la fin de l'avant-dernière ligne, par manque de place le graveur a "ligaturé" plusieurs lettres : -"ONTES"
kudainontes

- et à la huitième ligne avant la fin , il a rajouté un petit sigma qu'il avait oublié : "EsTEPHE"
s-oubliecorrigé


Pour ce qui est des deux petits-fils de cette Isidotè,
 Kallaischros était philosophe, son frère Glaukos a été pendant 10 ans, jusqu'à sa mort, hiérophante,
comme nous l'apprend cette autre épigramme, dont je vous soumets deux traductions qui ne sont pas de moi :

texte Glaukos
(IG II² 3661, vers 225 apr. J.C.)
Traduction de Bernadette Puech :
"Glaukos joignait une âme mûre à un corps en pleine vigueur, à la beauté, une sagesse supérieure. Au monde entier il montrait les rites de Dèô, lumière du monde - neuf ans, puis le dixième il rejoignit les immortels. Beau mystère, en vérité, que nous révèlent les Bienheureux : bien loin d'être un mal, la mort est un bien".

Traduction de S. Follet :
"Esprit âgé, corps vigoureux, Glaucos joignant
Beauté et sagesse suprême, à tous montrait
Les rites de Dèô qui éclairent les hommes,
Neuf ans - puis il partit auprès des Immortels.
beau mystère, présent des dieux : pour les mortels
La mort non seulement n'est point Mal, elle est Bien".

Revenons à notre épigramme pour Isidotè. Le texte nous dit qu'elle était hiérophantide,
c'est-à-dire qu'elle participait avec l'hiérophante à l'acte le plus important des Mystères d'Eleusis,
qui consistait à "montrer" les objets sacrés aux initiés, dans le télesterion.
Oui, mais, me direz-vous, comment sait-on son nom, puisqu'il n'est pas cité ?
C'est par recoupement avec cette autre épigramme :

texte Eunice
(IG II² 3709, milieu du IIIe s.)
traduction de S. Follet :

Mystes de Dèmèter ! Saint soit mon souvenir
Près de l'anactoron de Dèô ! J'ai pour nom
Eunice - et ma mère est la glorieuse Thalie,
Mon père, l'illustre Callaïschros, qui lui-même
Eut pour mère Eunice - et celle-ci,
La chaste hiérophantide Isidotè, qui tient
Son nom de l'oriental Isée*, rhéteur sans tache (?).
Zoïlos, mon grand-père, était [de Marathon ?] ;
Il était bien l'égal de ses frères - Glaucos,
L'hiérophante issu du brillant anactoron,
Et Callaïschros, maître illustre d'une sagesse
Qu'il cueillait chez Platon. Ma famille n'est pas
Eloignée du Sénat : je suis suivie de près
Par le renom [divin ?] de cousins d'Ausonie.

* s'agit-il du célèbre orateur attique, dont Démosthène fut l'élève ? Ce serait remonter très loin...


Toutes ces épigrammes sont d'un même auteur, un Glaukos de la même famille qu'Isidotè,
et neveu de l'hiérophante du même nom que lui.
Il a composé plusieurs épigrammes funéraires pour des membres de sa famille à Eleusis.
Il est nommé dans l'inscription  IG II² 3704, comme "Titos Flaouios Glaukos de Marathon, poète, rhéteur et philosophe.
Et c'est sans doute à sa mémoire qu'une statue a été érigée à Olympie, sur cette base :

base de Glaukos Olympie texte Glaukos Olympie
IvO 457.
traduction.:

A la bonne Fortune,
 Me voici, Glaucos,
de la race de Cécrops :
ayant chanté l'hymne olympique,
j'ai été érigé ici
par vote du conseil olympique.

Noter la modestie de l'éloge :
l'auteur doit en être
le poète lui-même.



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