initiation à l'épigraphie grecque par Claire Tuan, Delphes-artistes11.
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Un pantomime : Apolaustos.

Cette spécialité artistique apparut à l'époque impériale,
et eut un grand succès, en particulier auprès de certains empereurs.

A11apolaustos-s.jpg
FD III 1,551, fin du IIe s. apr. J.C.

Cliquez sur l'image.

A11.gif Traduction :
Tib(érius) Julius Apolaustos, pantomime tragique,
vainqueur de la période, vainqueur de concours sacrés,
unique et premier des hommes de tous les temps à avoir remporté
le concours sacré isélastique universel qui se tenait pour la première fois
 à Pergame, les Olympeia Commodeia Sebasta du koinon d'Asie,
ayant remporté l'épreuve elle-même, le prix "toutes catégories"
et la mention "isélastique" ; nommé membre du Conseil (= bouleute)
de Magnésie du Méandre, d'Athènes, de Pergame, de Tralles,
de Laodicée, de Milet, de Nikomédie, de Nicée, de Césarée,
de Nikopolis près d'Actium, de Mytilène, d' Hiérocésarée,
de Magnésie du Sipyle, de Kymè, de Settai, de Thèbes aux sept portes,
de Platées, de Chéronée, de Messène ;
 il a été honoré d'une statue dans toutes les villes suivantes :
Ephèse, Athènes, Pergame, Magnésie, Laodicée (2 statues), Milet,
Hiérocésarée (3 statues), Thyatire (2 statues), Corinthe, Nikopolis,
Patras, Sardes, Messène, Nysa, Kymè, Thèbes, Platées, Settai (2 statues) ;
 il a aussi reçu la citoyenneté d'Antioche près de Daphné, d'Ephèse,
 de Smyrne, de Cyzique, de la Troade, de Sardes, et de nombreuses
autres cités dans toutes les régions où il s'est rendu, en reconnaissance
de la parfaite exactitude de son art et de sa conduite exemplaire.

En rouge, mes corrections à la lecture attentive sur la pierre,
et en bleu quelques cités peu connues dont j'indique plus loin la localisation.


Ici encore, quel palmarès impressionnant !
Mais à la différence des deux palmarès précédents,
celui de Septimios et celui de l'aulète d'Ancyre,
qui étaient des listes de victoires,
ici ne sont pas nommés des concours, à part celui de Pergame,
mais les très nombreuses cités qui ont accordé à notre artiste simplement la citoyenneté,
les 19 cités qui lui ont accordé en plus d'être membre du Conseil (bouleute),
 et les 18 cités qui ont érigé en son honneur une ou plusieurs statues.
Apolaustos aurait-il plutôt effectué des prestations en dehors du cadre des concours ?


Sa spécialité : pantomime.

C'est le grand épigraphiste Louis Robert qui a expliqué que le terme
 "tragikès enrythmou kinèseos hypokritès" signifiait "pantomime".
On en a mention dans au moins trois autres inscriptions :
- à Thyatire (TAM V2, 1016, l.12-13) ;
- à Magnésie du Méandre (I.Magn. 165) ;
- et enfin à Delphes même, sur le mur sud du trésor des Athéniens (FD III2,105).
Accompagné d'un choeur qui racontait l'histoire, ainsi que de musiciens,
le pantomime devait par ses mouvements, dont le rythme suivait exactement celui de la musique,
 suggérer les personnages, leurs caractéristiques, leurs sentiments, leurs actes.
Certains mimaient des scènes comiques, d'autres des scènes tragiques tirées de la mythologie.
C'est le cas pour notre acteur.
Pour avoir une idée très précise de ce qu'était la spécialité de pantomime,
lire ces larges extraits du livre de Lucien, Peri Orchèséôs.

Notons que trois pantomimes du nom d'Apolaustos
- un nom bien choisi puisqu'il signifie "qui procure du plaisir"-
 sont connus pour le IIe s. apr. J.C.
Voici les inscriptions latines qui les mentionnent :

à Rome,
1) CIL VI, 10114 :

    M. VLPIVS. AVG. LIB. APOLAVSTVS
        MAXIMVS. PANTOMIMORVM
    CORONATVS. ADVERSVS. HISTRIONES
        ET. OMNES. SCAENICOS
            ARTIFICES. XII

2) CIL VI 10117,
sous Marc Aurèle et Lucius Verus  :

     L . A V R E L I O
    APOLAVSTO. MEMPHIO
    AVGG. LIB. HIERONICAE
    CORONATO. ET. TON. DIAPAN-
    TON. APOLLINIS. SACERDOTI
    SOLI. VITTATO. ARCHIERI
     SYNHODI . ET . AVGG.
     L . A V R E L I V S
    PANNICVLVS . QVI . ET
     SABANAS . PATRONO
          OPTIMO

- en Italie du sud :
 1) CIL IX, Canosa 344 :

  [..a]ELIO . AVG . LIB
[Aur]ELIO. APOLAVSTO
 [ pa ] N T O M I M O
 [aug]VSTALIVM . QQ
 [hier]ONICE. TEMPORIS
      SVI . PRIMO
 [col]ONIA . AVRELIA
 [au]G. PIA. CANVSIVM
          D   .   D
augustialum quinquennalis (QQ)

2) CIL X, à Liternum, 3716 :

              [l]. AVREL[io]
            A P O L A V S T O
        HIERONICO.BIS.CORONATO
        ET.DIA.PANTON.PARASITO
        ET.SACERDOTI.APOLLINIS
        AVGVST.CAPVAE.MAXIMO


  3) CIL X, à Fundi, 6219 :

         L . AVRELIVS
        A[p]OLAVSTVS
        PANTOMIMVS
        M E M [f] I V S
    MERCVRIO.INVICTO
       VOTVM.SOLVIT

- à Tibur :
 CIL XIV, 4254 (époque de Commode) :

sous trois couronnes,
   L . AURELIO . AVGG
    LIB . APOLAVSTO
         MEMPHIO
    PANTOMIMO . HI-
   ERONICAE.TER.TEm-
   PORIS . SVI . PRIMO
    VITTATO . AUGG.
  SACERDOTI . APOLLI-
   NIS . HERCVLANO
       AVGVSTALI.
    S  .   P  .   Q  .   T
              ITEM
ORNAMENTIS DECVRIONATVS HONORATO

- et enfin à Ostie,
CIL XIV,  5375
le même Apolaustus, affranchi de Marc Aurèle et Lucius Verus :

  L . AVRELIO . AVGG . LIB
  APOLAVSTO . MEMPHIO



Les déplacements
 en Asie Mineure de notre Apolaustos :

Où se trouvaient Kymè, Nysa, Settai, Thyatire, Hiérocésarée ?

- Kymè se trouvait dans un golfe à mi-chemin entre Smyrne et Pergame,
à 5 km au sud de l'actuelle ville industrielle d'Aliağa :

 carteMondeAntic.jpg situkyme.jpgGoogle maps
                                         
                               
Nysa était située un peu à l'est de l'actuelle Aydin,
à 3 km au nord de Sultanhisar, sur la route de Kavaklıköy.

    situNysa.jpgGoogle maps

Strabon, qui y a fait ses études, en donne une description précise dans sa Géographie XIV,1,43 :

strabonNysa.gif
Nysa est construite près de la Mésogis, et se trouve presque entièrement adossée à cette montagne ; c'est comme une ville double, car un ravin formant une gorge la divise en deux. Enjambant ce ravin un pont relie les deux villes ; et un beau théâtre a été construit, sous les voûtes duquel passe une canalisation des eaux du torrent. Aux extrémités du théâtre on domine d'un côté le gymnase des jeunes, de l'autre l'agora et le gerontikon. Au sud de la ville s'étend la plaine, comme à Tralles.



- Settai ou Saittai : c'était une ville lydienne
(ruines de Sidaskale, près de l'actuel Içikler, à environ 25 km à l'Est de Borlu).

situSettai-icikler.jpgGoogle maps

Cette ville a fourni un important monnayage,
et de très nombreuses inscriptions surtout funéraires,
avec comme particularité l'utilisation régulière du verbe "etimèse".

J'ai relevé deux inscriptions de la région de Settai qui mentionnent l'ethnique,
"Saittène" ou "Settène", qui dans notre inscription de Delphes est orthographié "Septène" :

1)TAM V,1 148,  122/3 apr. J.C.
TAM148.gif

2) TAM V,1 168c, 254/5 apr. J.C.
TAM168.gif


Thyatire était un peu au nord de Saittai, à 45 km au Nord-Est de Magnésie du Sipyle,
à la limite entre Lydie et Mysie. C'est l'actuelle Akhisar (="la forteresse blanche").

situThyatireAkhisar.jpgGoogle maps

Strabon la mentionne (XIII,4,4) :

strabonThyatire.gif
Avançant dans la plaine (du Caïque) et en quittant la ville (de Pergame), il y a à l'Est la ville d'Apollonia, sur un site élevé. Au sud, il y a une montagne rocheuse. Si on la franchit pour aller vers Sardes, on a sur la gauche la ville de Thyatira, colonie macédonienne, et qui passe pour certains pour le point extrême de la Mysie.

strabonThyatire.gif


- enfin Hiérocésarée se trouvait entre Thyatire et Magnésie du Sipyle,
à environ 15 km au Sud-Est de Thyatire.



Une autre inscription
 en l'honneur du même Apolaustos a été trouvée à Ephèse.
Si le nom a disparu, toute la suite prouve qu'il s'agit bien du même personnage.
Voici le texte, mais je laisse aux plus curieux le plaisir de la traduire :

ApolaustEphese.gif



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