Nous montons maintenant au théâtre,
(à droite,
photo prise au musée : gravure représentant le
théâtre à l'époque romaine)
où ont été gravés beaucoup d'affranchissements à partir du tournant de l'ère.
Hélas la surface des pierres sur lesquelles étaient gravés ces textes a beaucoup souffert,
ce qui rend très difficile la lecture. Je vous en ai quand même choisi deux,
gravés sur le front ("podium") des premiers gradins du théâtre,
et donc bien visibles des visiteurs lorsqu'on peut accéder à l'orchestra.
Ils sont tous deux dans la partie ouest.
Voici le premier :
FD III 6:44 — Delphes — 20-46 apr J.C.
Cliquez sur l'image pour une meilleure définition.
Transcription :
Les restitutions des mots effacés sont assurées d'une part par le formulaire stéréotypé,
et d'autre part, pour les noms de personnes, par leur répétition ailleurs dans le même texte.
En bleu, quelques mots-clés :
---> ai apodomenai
= les vendeuses. Ktèsis est donc bien une femme,
la soeur de
Sôtèricha puisqu'elles sont toutes deux "filles de
Philôn".
Sôtèricha n'a pas d'enfants, alors que Ktèsis en a
2 : Philôn (comme son grand-père)
et Sôstratos
(presque le même nom que l'esclave).
Comme cette transaction concerne le patrimoine familial,
il faut que
les fils donnent leur accord à la vente de l'esclave.
---> encharaxasai = ayant fait graver (participe aoriste actif, féminin pluriel,
se rapportant aux deux vendeuses).
---> cheir + nom au génitif = la main de celui qui a écrit ce qui suit,
ce qui explique que le verbe suivant (
gegona = j'ai été, je me trouve)
soit à la première personne.
Traduction :
Sous l'archontat de Pasôn fils de Damôn, au mois d'Hérakleios,
Habromachos fils de Xénagoras et Markos fils de Markos
étant bouleutes, aux conditions suivantes Sôtèricha
et Ktèsis, filles de Philôn, avec l'accord des fils de
Ktèsis, Philôn et Sôstratos, ont vendu à
Apollon Pythien pour son affranchissement un "corps féminin" du
nom de Sôstrata, pour un prix de sept mines d'argent, et elles
ont (reçu) la somme entière, Sôstrata ayant
confié au dieu son rachat, les conditions étant qu'elle soit libre, que personne ne puisse jamais
remettre la main sur elle, et qu'elle ne soit en rien et d'aucune
manière dépendante de qui que ce soit. Garant selon les lois de
la cité : Xénagoras fils d'Habromachos. Si jamais
quelqu'un remettait la main sur Sôstrata en vue de la
réasservir, que les vendeuses et le garant fournissent pour le
dieu la preuve du rachat, et que de même le premier venu ait
tout pouvoir pour prendre sous sa protection Sôstrata afin
qu'elle reste libre, sans encourir ni amende ni procès d'aucune
sorte.
Nous déposons l'acte
de rachat, selon la loi, en deux exemplaires, l'un dans le
sanctuaire d'Apollon, que nous aurons fait graver, l'autre dans les
archives publiques, par l'intermédiaire du secrétaire
Lysimachos fils de Nikanôr. Témoins.
Main de Xénagoras
fils d'Habromachos : j'ai été institué garant du
"corps" précité, du nom de Sôstrata, par
Sôtèricha et Ktèsis, avec l'accord des fils de
Ktèsis, Philôn et Sôstratos.
Témoins : les mêmes (?), les prêtres d'Apollon
Dionysios fils d'Astoxénos et Damôn fils de
Polémarchos, et les particuliers Eukleidas fils de Sôtas,
Pasôn fils de Damôn, et Kléandros fils de
Philôn. |
En brun,
deux éléments qui ne figuraient pas dans les affranchissements du IIe s. av.J.C.,
mais qu'on retrouvera dans ceux des environs du tournant de l'ère :
le lieu de conservation et de publication de l'acte,
ainsi que la "signature" du garant.
Le garant de l'acte, Xénagoras fils d'Habromachos,
est parent de
l'un des bouleutes, Habromachos fils de Xénagoras.
Mais je ne saurais préciser le lien de parenté :
sans
doute père et fils, mais peut-être aussi cousins ?
Comme je l'ai déjà fait remarquer dans
le tableau des affranchissements,
l'archonte et le simple particulier qui portent le même nom (Pasôn fils de Damôn)
sont évidemment de la même famille,
mais il ne me semble pas que ce puisse être la même personne.