Montons jusqu'au parvis
du temple d'Apollon, et regardons à droite (
plan).
Nous sommes face à un ensemble monumental qui actuellement (en 2009)
est démonté :
la terrasse offerte par Attale Ier, roi de Pergame entre 240 et 197 av. J.C.
Des blocs sont sagement empilés en prévision
d'une meilleure reconstitution.
Sur l'un d'eux, nous allons lire un acte d'affranchissement suivi d'une
"apolysis".
En fait plusieurs textes sont gravés sur ce bloc, et ce qui
nous intéresse est en haut à droite,
mais à peine séparé des textes de
gauche, et encore moins des textes en dessous.
J'ai indiqué par des pointillés les
limites approximatives.
FD III 3: 401-402, vers 30 av. J.C., et quelques années plus tard.
Cliquez sur l'image pour essayer (pas si facile !) de lire ce
décret d'affranchissement.
Transcription :
En rouge, la clause appelée
"paramonè",
qui obligeait Antigona, l'esclave affranchie,
à rester encore au service de sa
maîtresse, Aphrodisia, jusqu'à la mort de celle-ci.
Mais Antigona a eu la chance d'être finalement
libérée de cette contrainte par Aphrodisia,
grâce à l'acte gravé en dessous,
appelé "apolysis".
Cliquez ici
pour le lire sur la pierre.
Voici la transcription :
Traduction de l'ensemble :
Sous l'archontat de
Mélissiôn, au mois de [...], Aristokléas fils de Philonikos et Antiphilos fils
de Gorgilos étant
bouleutes, Aphrodisia fille de Marcus Bibius a vendu à
Apollon Pythien un "corps féminin" du nom d'Antigona, pour
un prix de 3 mines d'argent, et elle a (reçu) la somme
entière. Garant selon les lois de la cité :
Eukleidas fils d'Hérakleidas. Mais qu'Antigona demeure
auprès d'Aphrodisia tant que celle-ci est vivante,
accomplissant de tout son possible ce qui lui sera ordonné.
Si elle ne fait pas ce qui lui est ordonné,
qu'Aphrodisia ait le pouvoir de la punir de la manière
qu'elle voudra.
Témoins : les prêtres d'Apollon Kallistratos fils
d'Aiakidas et Diodôros fils de Dôrothéos, (ainsi
que) Lysimachos fils de Nikanôr, Nikanôr fils de
Lysimachos, Polémarchos fils de Damôn, et Orestas fils de
Pasôn. |
Sous l'archontat d'Epinikos fils de Nikostratos, au mois de Théoxénios, Diodôros fils de Philonikos et
Timoléôn fils d'Emménidas étant bouleutes, Aphrodisia fille de
Marcus Bibius a libéré de la clause de paramonè
Antigona, (de sorte) qu'elle ne dépende plus de personne en rien
et en aucune façon et qu'elle fasse ce qu'elle veut.
Témoins : les prêtres d'Apollon Polémarchos et
Philôn, et les particuliers Léôn, Nikanôr et
Lysias. |
Quelques remarques sur ces deux inscriptions :
---> Retournez au texte grec
pour constater que l'orthographe de certains mots semble avoir
posé problème au rédacteur,
en particulier le mot, pourtant très courant, désignant les prêtres.
C'est bien l'indice qu'à cette époque-là les graphies I et EI notaient toutes deux le son /i/.
Cette même confusion explique le flottement dans la graphie des noms
Nikanor/Neikanor, Euklidas/Eukleidas, et Héraklidas/Hérakleidas.
---> Le second texte ne dit pas si cette libération pleine et entière a été payée par Antigona,
ou si elle a été le fruit d'une générosité de son ancienne maîtresse.
---> Le nom de la vendeuse est grec mais le nom de son père est romain,
ce qui donne une indication chronologique vague, au plus tôt vers le Ier s. av. J.C.
Mais le nom de l'archonte devrait nous donner une datation beaucoup plus précise.
Il semble, selon les études récentes,
que Mélissiôn ait été archonte
éponyme (= qui donne son nom à l'année) à
Delphes
vers 40/30 av. J.C., et Epinikos quelques (?) années plus tard,
suffisamment en tout cas pour que les deux prêtres d'Apollon aient changé entre temps.