n°41 : les mosaïques de Phormiôn

et de Midas.

Nous venons de quitter le Sarapieion C pour entrer dans la zone du sanctuaire des dieux syriens,
juste au nord et toujours sur la même terrasse qui domine la ville.
Vous voyez au loin le port, et l'île de Rhénée,
où l'on transportait les femmes sur le point d'accoucher et les moribonds,
car il était interdit de naître et de mourir sur l'île sacrée d'Apollon.

vue-del41

Au premier plan, on distingue un sol couvert de mosaïques.
Sur la terrasse à l'arrière, qui formait une exèdre, une autre mosaïque (voir plus bas, n°41 bis).

del41

Comparez les deux transcriptions :
à gauche, la transcription des premiers éditeurs,
à droite, j'ai rectifié les crochets et les points en dessous
en fonction de ce qu'on voit aujourd'hui (en 2010).

delos41_orig

ID 2274, fin du IIe s. av. J.C.

Traduction :

Phormiôn fils de Nikias, Athénien,
pour lui-même et pour son épouse et ses enfants,
et pour Philippos, "archizapphès", et les fidèles
d'Hagnè Aphroditè, en action de grâces.

La fonction d'archizapphès est mal connue car très peu attestée.

Quant à Hagnè Aphroditè, c'est la version délienne syncrétique
d'une importante divinité syrienne, Atargatis.

L'expression "en action de grâces" (charistèrion) suppose qu'un voeu a été exaucé.

On ne sait pas bien en quoi consistait ce culte des divinités syriennes.
Il témoigne de la présence sur l'île de gens venus de Syrie,
sans doute des négociants attirés par le statut de port franc de Délos
à partir de 167 av. J.C.
Mais une cinquantaine d'années plus tard,
ce culte, comme les cultes égyptiens voisins,
est sous la houlette des Athéniens,
comme on le voit par les noms des dédicants de ces mosaïques.

Allons voir maintenant la seconde mosaïque, sur l'exèdre.

vue-del41bis

Celui qui l'a fait construire l'a dédicacée en son centre,
comme l'a fait Phormiôn pour la sienne.

del41bis

Certaines parties de l'inscription sont cachées et/ou détruites,
et selon la convention bien établie,
l'éditeur a souligné les parties qu'il ne pouvait plus lire mais que d'autres avaient pu lire avant lui.

ID 2288

Midas fils de Zènôn,
d'Héraclée, a fait faire
la mosaïque,
et a dédié l'exèdre,
sous le prêtre Philoxénos
fils de Philoxénos,
du dème de Sounion,
étant zacore Gorgias.

Antaios fils d'Aischriôn a fait.

ID 2288, vers 105 av. J.C.

>>> Ce Midas fils de Zènôn a fait plusieurs dédicaces dans le sanctuaire des divinités syriennes.
Il était ami du célèbre banquier Philostratos d'Ascalon,
qui avait obtenu la citoyenneté napolitaine.

>>> Difficile de savoir quelle est cette cité d'Héraclée,
tant il en existe dans le monde grec antique.
Mais on a supposé qu'il s'agissait de l'Héraclée d'Italie du sud,
l'actuelle Policoro.

>>> Un verbe technique intéressant : psèphologeô (

).
Il signifiait dans l'Antiquité : "ordonner les petits cubes de pierres",
donc : "faire une mosaïque".
Mais comme les Grecs anciens utilisaient aussi des petits cailloux pour voter,
le mot a également signifié : "compter les votes",
et de nos jours la science appelée "pséphologie" est l'étude des élections et des modes de scrutin.

>>> Pour le zacore, voir le n°38.

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