initiation à l'épigraphie grecque par Claire Tuan : des juges étrangers à Delphes, commentaire.

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Commentaire du décret honorant 

trois juges étrangers venus à Delphes. 

balance Vaux le Vicomte

   

Reprenons d'abord le texte grec pour quelques remarques concernant la langue :

le décret pour les juges corrections à l'édition originale (FD III 3, 146) :
J'ai relu attentivement la pierre et j'ai apporté quelques petites corrections. En particulier l'infinitif à la ligne 26 est bien ὑπάρχειν, et non ὑπάρχεν, on distingue bien les 3 dernières lettres EIN : uparchein


Traits de langue courants à Delphes :
(Pour plus d'accessibilité, je transcris les mots grecs en lettres latines)

Ligne 1 : Très souvent, et vous le constaterez maintes fois dans cette inscription, l'alpha de la première déclinaison s'est maintenu, et ne s'est pas transformé comme à Athènes en un êta.
Ligne 5 : La préposition et le préverbe correspondant à "pros" est "poti".
Ligne 6 : le génitif de "polis" est "polios". 
Ligne 11 : De même pour celui de "hairesis" : "hairesios".
Ligne 14 : ici l'accusatif sg de "grammateus" a la forme contractée en êta, à la différence de ce qui se passe à la ligne 24 où il est en -EA.
Ligne 17 : conformément à ce que j'ai indiqué pour la ligne 1, le génitif singulier de l'article féminin est "tâs", à ne pas confondre avec l'accusatif pluriel "tàs" qui est accentué différemment.
Ligne 28 : remarquez le datif pluriel en -ois pour le nom "agôn" qui est de la troisième déclinaison. A Athènes on aurait "agôsi".




balance Vaux le Vicomte


Un peu de vocabulaire :

Pour le sens des différents honneurs accordés, voir tout d'abord la première page de mon site.

Je résume ci-dessous ce qu'on peut savoir au sujet de la proxénie, de l'isopolitie, 
 de la promantie, de l'asylie, de l'atélie, de la proédrie (lignes 26 à 28 du décret)
 et des xénia (ligne 31).

La proxénie proxenia mettait en relation 2 cités : Lorsqu'une cité A nommait comme son proxène un homme d'une cité B, cela signifiait que les citoyens de A, lorsqu'ils voyageraient et/ou séjourneraient dans la cité B, seraient pris en charge par le proxène, qui selon les cas les hébergerait, et les défendrait en cas de difficulté.

L'isopolitie isopoliteia signifie textuellement le fait d'avoir droits égaux (iso-) de citoyen (-politie). Dans d'autres décrets honorifiques, on parle de "politeia" (= citoyenneté). Celui à qui était accordé cet honneur, s'il venait s'installer dans la cité qui le lui avait accordé, devenait de droit citoyen de cette cité. C'était donc un octroi potentiel.

La  promantie promanteia était la priorité pour consulter l'oracle. En effet on peut imaginer, étant donné l'importance du sanctuaire oraculaire de Delphes, qu'il fallait parfois attendre longtemps son tour pour pouvoir consulter l'oracle d'Apollon par la bouche de la Pythie.

L'asylie asylia était un privilège très particulier à la Grèce antique. Lorsqu'une personne d'une cité A se trouvait en litige non résolu avec une personne d'une cité B, elle avait le droit, pour obtenir réparation, de s'emparer des biens (= sulân) de toute personne de la cité B, ce qu'on traduit souvent par "droit de représailles". C'était en quelque sorte le signe que les membres d'une même cité étaient solidairement responsables en cas de défaillance de l'un de leurs concitoyens, afin de réparer un préjudice causé à une autre cité ou à l'un de ses membres. Ainsi l'asylie, avec l'alpha privatif, était une garantie contre cette possible saisie de ses biens.

L'ateleia ateleia était l'exemption (a-) de taxes (-telos), en particulier celles que l'on devait payer pour l'entrée de marchandises dans la cité visitée .

La proédrie proedria était une place d'honneur, et le mot est toujours précisé par l'expression qui suit : "dans tous les concours que la cité organise".

Enfin les xenia xenia étaient des présents d'hospitalité. Si le personnage honoré restait encore dans la cité, c'était souvent une invitation à dîner au prytanée. S'il partait, ce pouvait être une somme d'argent, ce qui est sans doute le cas ici puisqu'il s'agit de les "envoyer".


balance Vaux le Vicomte


Les personnes nommées dans ce décret :

Nous avons dans l'ordre d'apparition "sur scène" :

   1- d'Oponte :
Une recherche dans la base épigraphique PHI fait apparaître que ces 4 personnages ne sont pas connus par ailleurs, même s'ils étaient sûrement des personnages influents et considérés dans leur cité, pour avoir été choisis afin d'effectuer cette mission de confiance. A part Polémarchos, les 7 autres noms sont très rares dans ce que nous connaissons des noms de personnes dans le monde  grec antique.

      2- de Delphes :
Remarquons que ces Delphiens, Xénon mis à part ( peut-être parce qu'il est le fils de l'archonte ), sont nommés sans leur patronyme.
Or ce sont des noms assez courants, et c'est l'une des difficultés
que rencontrent les historiens qui étudient cette cité de Delphes.
Plusieurs archontes ont porté le même nom, à des décades, voire des siècles de distance.
Toutefois comme les décrets étaient datés non seulement par le nom de l'archonte en fonction cette année-là,
mais aussi par les noms des bouleutes qui formaient la commission permanente du conseil pendant un semestre (c'est le cas ici) ou pendant toute l'année, l'ensemble de ces noms permet de limiter les risques de confusion chronologique.
Mais nous allons voir qu'il est difficile de savoir si ces personnages sont les mêmes qui apparaissent
 dans ces autres inscriptions de la cité de Delphes, que je propose à votre examen critique.

balance Vaux le Vicomte


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