Elle est inscrite sur une pierre qui était visible jusqu'en
2008
le long
du chemin menant du musée de Delphes au site,
et qui a disparu pour bientôt (nous sommes en mai 2010)
réapparaître
dans la stoa épigraphique qui est en train de se mettre en
place au musée.
La pierre porte en gros caractères une dédicace
que nous examinerons plus tard,
et en dessous, deux listes de vainqueurs au concours des
Sôtèria.
Voici la première :
FD III 4:125, vers 229 av.
J.C.
Impossible à lire, infernal
même, me direz-vous
!
Mais un clic sur l'image devrait vous faciliter l'affaire,
et avec la transcription et les explications qui suivent,
vous verrez qu'il y a quand même matière
à lire.
Toutefois seule face à cette photo, je n'aurais pas
réussi à tout lire, loin de là.
Il a fallu à celui qui l'a éditée pour
la première fois beaucoup de patience,
et soit un estampage, soit l'utilisation de plusieurs angles de
lumière,
pour parvenir à déchiffrer tout ce texte.
Munie de sa transcription, j'ai pu relire certains mots,
et vous devriez vous aussi y parvenir.
En
orange, les différentes épreuves. En
rouge,
une petite correction à l'édition originale du
texte.
Traduction :
Etant
agonothète Charixénos fils de
Proxénos, Etolien de Trichonion,
étant
hiéromnémons
- des
Etoliens
: Lykos, Alexôn, Androsthénidas,
Antandros,
Teisarchos, Exakestos, Deinylos,
Damokratès, Axiochos, Amynandros,
Aristomachos,
Orthagoras, Lykéas, Sôtylos,
- des
Delphiens
: Nikias, Orestas,
- des
Béotiens
: Alkinoos, Ptôioklès,
- de
Chios :
Didymarchos,
ont été vainqueurs :
- rhapsode
: Eurybios fils de
Lykiskos, de Mégalopolis,
- cithariste
: Chaïris fils de
Chaïrithéos, de Sicyone,
- citharode : Archéanax fils
de Zôïos, de Mytilène,
- aulète
enfants
: Aristolochos fils
d'Aristogeitôn, Béotien,
- choreute enfants : Aristéas fils
d'Aristios, de Sicyone,
- aulète
hommes
: Aristolochos fils
d'Aristogeitôn, Béotien,
- choreute hommes : Kratôn fils
d'Anthémôn, Béotien,
- acteurs
tragiques
:
Antimèdès fils
d'Hérakleidès, d'Halicarnasse,
- acteur comique : Aristomachos fils de
Philonidès, Athénien.
Vous remarquez que le même aulète Aristolochos
fils d'Aristogeitôn, Béotien,
a remporté le prix dans la catégorie "enfants" et
dans la catégorie "hommes".
Il n'y a pas de doute, ce nom se lit très bien sur la pierre.
Il a donc pu après une première
épreuve dans sa catégorie d'âge,
demander et obtenir la permission d'être
"surclassé" afin de concourir dans la catégorie
des adultes.
Delphes et l'amphictionie :
Le sanctuaire d'Apollon à Delphes était
géré par les
délégués d'un ensemble
de peuples,
ce qu'on a appelé l'amphictionie (ou amphictyonie).
Ces délégués, en temps normal au
nombre de 24, portaient le titre
d'hiéromnémons,
ce qui signifie proprement "gardiens de la mémoire
sacrée".
La répartition des peuples participant à
l'amphictionie a varié au cours des âges,
et nous sommes ici à un moment particulier, où
l'on voit une répartition très inégale,
puisque les Etoliens y font réellement la loi : ils sont 14,
alors qu'à côté d'eux sont
nommés seulement
2 Delphiens, 2 Béotiens et un représentant de
Chios.
Les Sôtèria :
Cette fête, dont le nom signifie "fête du salut",
commémore un événement historique
important de Delphes :
Une invasion de Gaulois, menés par leur chef Brennus,
invasion qui fut repoussée en 279 av. J.C.
Les Etoliens y jouèrent un rôle de
premier plan pour la défense du sanctuaire.
Les combats furent âpres, si l'on en croit la description
qu'en fit Pausanias
, X, 21, 3 :
 |
Eux (les Gaulois), pleins de rage, se jetaient
avec fureur et sans aucun calcul sur leurs ennemis comme des
bêtes féroces. Même quand ils
étaient pourfendus à coups de hache ou
d'épée, la rage ne les quittait pas tant qu'ils
respiraient encore, et même quand ils étaient
transpercés par des traits ou des javelots ils
n'abandonnaient pas leur hargne, jusqu'à ce que leur dernier
souffle les quitte. Ils arrachaient de leurs plaies les lances dont
ils avaient été atteints, les
lançaient contre les Grecs et en frappaient ceux qui se
trouvaient à leur portée. |
Et les Grecs eurent la certitude qu'Apollon était
intervenu en leur faveur (Pausanias
, X, 23, 1-2) :
 |
Très rapidement se produisit, et de la
façon la plus manifeste que nous sachions, la
réaction du dieu contre les Barbares. En effet tout le
terrain qu'occupait leur armée fut
ébranlé par un violent séisme, qui
dura la plus grande partie du jour, et il y eut sans discontinuer des
coups de tonnerre et des éclairs, qui frappaient
d'épouvante les Gaulois et les empêchaient de
percevoir à l'oreille les ordres de leurs chefs. Et le feu
du ciel non seulement s'abattait sur certains, mais brûlait
aussi ceux qui étaient auprès d'eux ainsi que leurs
armes.
|
Environ 25 ans après les événements,
il fut décidé que la fête des Sôtèria deviendrait
pentétérique
(c'est-à-dire qu'elle serait
célébrée tous les 4 ans),
à l'égal des grandes fêtes
qu'étaient les Pythia.
Vous me direz qu'il n'est pas précisé dans ce palmarès qu'il s'agit du concours des Sôtèria.
Mais allez voir l
e palmarès gravé en dessous, sur la même pierre,
et la comparaison vous convaincra qu'il s'agit bien de ce concours.
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