Ce qui est le plus remarquable en ce qui concerne ces stèles
funéraires de Phrygie,
c'est leur aspect : ce sont des pierres sculptées en forme
de portes décorées et fermées, séparant symboliquement les vivants de
l'autre monde, celui des morts.
Il semble, même si les datations sont difficiles à établir,
que ces stèles-portes ont été sculptées pendant les deux premiers siècles de notre ère.
Elles sont tantôt simples, pour un seul défunt,
tantôt doubles comme ci-dessous.
n°1.SEG 51 1760 bis.
Sur l'arc au dessus de chaque porte est l'inscription.
A gauche :
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Je prends le parti de traduire "à la romaine" les noms romains :
Φορτουνᾶτος
καὶ Διάδοχος καὶ Εὐήμερος .../... Fortunatus et Diadochos et Euèméros .../...
et à droite :
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.../... Δαμάλιδι μητρὶ καὶ Πολυκλείτῳ
πατρὶ ζῶσι. .../... pour Damalis leur mère et Polykleitos leur père, du
vivant de ces derniers.
Damalis signifie : la jeune génisse.
C'est un animal que l'on offre en sacrifice à Artémis, Athéna, Héra,
Aphrodite ...
Comme nom de femme, il est plutôt rare.
n°2.
Partie gauche :
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Δαμᾶς ἡαυτῷ
ζῶν .../... Damas, de son vivant, pour lui-même .../...
Dans le mot ΗΑΥΤΩ (pour ἑαυτῷ),
le graveur a oublié la barre transversale du A. Cet oubli n'est pas rare,
nous en verrons un autre exemple un peu plus loin.
La graphie η au lieu de ε est fréquente dans ces inscriptions funéraires de Phrygie à l'époque impériale.
Elle indique que ces deux voyelles devaient se confondre plus ou moins dans la prononciation locale.
Mais dans la plus grande partie du monde grec la voyelle η a évolué vers le son /i/,
alors que la voyelle ε gardait sa valeur d'origine.
Partie droite :
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.../... καὶ Ελπίδι γυναικὶ μνήμης χάριν. .../... et pour Elpis, son épouse, en souvenir.
Observez les reliefs sous l'arc :
comme dans les autres stèles-portes, l'animal (aigle ou fauve) évoque l'homme,
tandis que la corbeille (ici), et ailleurs le miroir et le peigne, évoquent la
femme.
Elpis (= l'espérance) est un nom de femme rare en Grèce propre,
mais assez fréquent en Asie Mineure.