initiation à l'épigraphie grecque par Claire Tuan : au musée d'Almyros.
  rameursvo.jpg retour au menu.

un portique de Pharsale

mapAlmyrosPharsale
photo Google Maps

Sur l'autoroute d'Athènes à Thessalonique,
peu avant l'embranchement pour Volos, prenons la sortie Almyros.
Dans cette petite ville, se trouve le musée archéologique appelé Giannopouleio :

museeAlmyrosNom    museeAlmyrosVue

Y ont été rassemblées un bon nombre d'inscriptions de toute la région, jusqu'à la ville de Pharsale.
En 1935, lors du creusement de fondations pour la construction d'une maison dans la ville de Pharsale,
fut découvert ce beau linteau, d'1,70 m de long sur 53 cm de haut :

IThess-1-52
I. Thess. I, 52

Cliquez sur l'image.
Le texte en est parfaitement lisible,
et nous donne des renseignements intéressants sur la Pharsale antique,
dont seuls de rares vestiges sont visibles aujourd'hui :

Pharsale

Transcription :

Λεωνίδης Πρωτέου Ἁλικαρνασσεὺς τὴν στοὰν καὶ τὰ οἰκήματα τὰ ἐν τῆι στοᾶι πάντα ἀνέθηκεν
τῆι πόλει. ἡ δὲ πόλις καὶ οἱ ταγοὶ ἀεὶ οἱ γινόμενοι καὶ οἱ ταμίαι ἐκ τῶν προσόδων τῆς στοᾶς
καὶ τῶν οἰκημάτων πάντων παρέξουσι διὰ βίου τοῖς νεανίσκοις τοῖς ἐν τῶι γυμνασίωι ἀλειφομένοις
ἔλαιον ἱκανὸν δίδοντες κατ’ ἐνιαυτὸν τοῖς γυμνασιάρχοις καὶ προσδιδότωσαν
τοῖς γυμνασιάρχοις εἰς ἀγῶνα γυμνικὸν καὶ λαμπάδα μνᾶς δύο. ὁ δὲ ἀγὼν προσαγορευέσθω
Λεωνίδεια καὶ ὁ κῆρυξ ἀνακηρυσσέτω τὸν νικῶντα· [[        ]] τὸν δὲ ἀγῶνα οἱ γυμνασίαρχοι ποιείτωσαν
Διψίου τῆι τετράδι ἱσταμένου· τὸ δὲ περισσὸν ἀργύριον λαμβανέτω ἡ πόλις, ἐπισκευαζέτω δὲ
τὴν στοὰν κατ’ ἐνιαυτὸν ὧν ἂν προσδέηται.
Traduction :

Léônidès fils de Prôtéas, Halicarnassien, a consacré à la cité le portique et toutes les boutiques qui sont dans le portique.
La cité, les tages successivement en fonction et les trésoriers, sur les revenus du portique et de toutes les boutiques,
fourniront à perpétuité aux jeunes gens qui s'oignent d'huile dans le gymnase l'huile en quantité suffisante,
en versant chaque année (la somme) aux gymnasiarques, et qu'ils fournissent en plus aux gymnasiarques deux mines
pour un concours gymnique et une course aux flambeaux. Que le concours soit annoncé comme Léônideia et que le héraut
proclame le vainqueur. Que les gymnasiarques fassent le concours le 4 du mois de Dipsios.
Que la cité garde le reste de l'argent, et qu'elle fasse chaque année les réparations que le portique pourrait nécessiter.

Dans la transcription ci-dessus, la ligne 4 paraît beaucoup plus courte,
mais si vous vous reportez à la photo agrandie,
vous constatez qu'elle a la même longueur que toutes les autres.
L'explication vous apparaîtra par une observation minutieuse de l'image :
c'est que les lettres de cette ligne ont été gravées beaucoup plus larges.

Autre détail : à la ligne 6, on constate une rasure,
qui peut s'expliquer par une erreur dont le graveur se serait aperçu trop tard.

La forme des lettres :

les omicron sont minuscules,
de même que les thêta qui ne se distinguent guère des omicron.
Les bêta, les kappa et les rho sont très étroits,
alors que les alpha, les delta, les lambda,
ainsi que les epsilon, les pi et les nu s'étalent largement.

Commentaire :

-----> Ἁλικαρνασσεὺς : ce bienfaiteur de la cité de Pharsale
n'était pas un voisin ! En effet, Halicarnasse (l'actuelle Bodrum)
se trouve de l'autre côté de la mer Egée, dans le Sud-Ouest de l'Asie Mineure,
juste en face de l'île de Cos.

Pharsale-Halicarnasse

Et pourtant, de nombreux citoyens d'Halicarnasse
ont été remerciés par les cités de Grèce propre pour leurs bienfaits.
A Pharsale même a été trouvé un décret honorant un autre Halicarnassien :

I. Thess. I, 51 :

ἀγαθῆι τύχηι· Παυσιμάχω[ι]
Νουμηνίου Ἁλικαρνασσεῖ
Φαρσάλιοι ἔδωκαμ προξενί-
αμ, πολιτεία̣μ̣, [— — — —]
[— — — — — — — — — —]

A la Bonne Fortune, à Pausimachos
fils de Noumènios, d'Halicarnasse,
les Pharsaliens ont accordé
la proxénie, la citoyenneté, etc.


-----> τὴν στοὰν καὶ τὰ οἰκήματα :
Les portiques (στοαί) étaient une construction très usuelle dans la Grèce antique.
On s'y promenait ou on s'y asseyait à l'ombre, on y tenait boutique,
on y exposait des peintures, des stèles et sculptures, des prises de guerre, etc.
Voyez le fameux portique d'Attale, à Athènes,
reconstruit par les archéologues américains dans les années 1950.
La location des pièces (τὰ οἰκήματα) servant de boutiques,
et peut-être les taxes perçues sur des marchands installés sous le portique
étaient source de revenus pour la cité.
------> οἱ ταγοὶ : en Thessalie, les principaux magistrats des cités s'appelaient les tages,
du verbe τάττω qui signifie ordonner, ranger.
------> τοῖς ἐν τῶι γυμνασίωι ἀλειφομένοις : dans la Grèce antique,
on sait que les athlètes étaient nus, pour l'entraînement comme lors des concours.
Ils s'enduisaient d'huile, utilisant pour cela une petite fiole, l'aryballe,
puis s'aspergeaient d'une fine couche d'argile qui absorbait la sueur,
et après les exercices ils utilisaient un strigile pour enlever cette "carapace",

le strigile et l'aryballe strigileBrauron               strigilePiree    

avant de se laver dans les thermes.
C'est en raison de l'utilisation de l'huile que ceux qui s'entraînaient
au gymnase ou à la palestre s'appelaient οἱ ἀλειφόμενοι. Les maîtres du gymnase, appelés "gymnasiarques",
devaient fournir la quantité d'huile nécessaire aux entraînements.
C'était une dépense tellement importante que dans certaines cités
la charge était répartie sur l'année entre plusieurs gymnasiarques,
parfois même un par mois !
------> λαμπάδα : également appelée "lampadédromie",
cette course de relais aux flambeaux est attestée dans de nombreuses cités.
Elle avait parfois un caractère plus spécifiquement religieux que les autres épreuves athlétiques.

lampadaLouvre

------> μνᾶς δύο : deux mines, cela représente 200 drachmes.
A Delphes, c'était le prix de base auquel un esclave pouvait se racheter.

------> Λεωνίδεια : les concours grecs portaient très souvent le nom,
soit du lieu où ils se déroulaient (par exemple les Isthmia, ou les Néméa),
soit de la divinité en l'honneur de laquelle ils étaient organisés (les Asklépiéia, les Dionysia),
soit d'un homme important qui les avait institués, et c'est le cas ici :
Léônidès perpétuait ainsi sa mémoire au delà du bienfait
qu'avait constitué la construction du portique.

------> Διψίου τῆι τετράδι ἱσταμένου : cette inscription a fait connaître un mois thessalien :
Dipsios.
Le quantième du mois est indiqué ainsi :
"au quatrième (τῆι τετράδι) jour du mois commençant (ἱσταμένου)".


------> un peu d'architecture, pour finir : ce linteau, et les quelques autres blocs trouvés dans le parages,
attestent qu'il y eut réellement un portique, sans doute dans cette zone de la ville de Pharsale,
mais ils n'ont pas permis de le reconstituer. Par ailleurs,
à moins d'imaginer que ce linteau d'un portique monumental était très bas,
juste au dessus des têtes, ce qui serait étonnant,
les passants lisaient-ils vraiment l'inscription, assez serrée,
dont les lettres ne mesurent pas plus (et parfois moins) que 2,5 cm de haut ?
On est loin des inscriptions monumentales de Delphes et d'ailleurs,
avec des lettres de 5 à 10 cm de haut.



retour au menu rameurs, relief de Volos

contact