à l'Amphiareion d'Oropos,

base n°5.

Voici à nouveau une base longue, qui portait une statue équestre.

Au dessus de la profonde rainure horizontale, est gravée la dédicace,
après érasement d'une dédicace plus ancienne.

Epigr. tou Oropou 451 , 43-42 av.J.C.

Admirez la fine gravure, avec ses oméga, ses alpha, ses mu, en recliquant sur la photo pour l'agrandir.

Comme toutes les dédicaces à Amphiaraos,
celle-ci comporte le destinataire de l'offrande (au datif à la dernière ligne),
et le nom du personnage figuré sur la statue (à l'accusatif aux trois lignes précédentes).
Au dessus il manque le sujet (au nominatif) disparu à cause de l'usure de la pierre,
mais facile à restituer : "le peuple des Oropiens".

Le peuple des Oropiens
(offre la statue de)
Quintus Caepio Brutus, fils de Quintus,
son sauveur et bienfaiteur,
à Amphiaraos.>

Brutus s'appelait à sa naissance Marcus Junius Brutus,
mais il fut adopté par son oncle maternel Quintus Servilius Caepio,
et changea son nom en Quintus Servilius Caepio Brutus.

Ce fameux Brutus est honoré comme "sauveur"
- soit parce qu'en tuant César il est apparu comme un tyrannoctone,
(et les Athéniens l'ont si bien considéré comme tel qu'ils ont élevé sa statue sur l'agora,
à côté de celles des fameux tyrannoctones Harmodios et Aristogiton),
- soit parce que, par sénatus-consulte de février 43,
il venait de recevoir l'autorité militaire suprême (titre exceptionnel et intraduisible en grec)
sur la Grèce, l'Illyrie et la Macédoine dans la lutte contre les césariens.
Il mourut l'année suivante, en 42, vaincu lors de la bataille de Philippes.

Les Oropiens, dans leur empressement à honorer les nouveaux hommes puissants de cette Rome conquérante,
avaient trouvé le moyen de le faire à faibles frais : ils remployaient des bases et des statues antérieures,
se contentant de regraver la dédicace.
On s'en aperçoit vite en lisant la signature du sculpteur, beaucoup plus ancienne,
que les Oropiens n'ont pas effacée, puisque la statue était inchangée !

Voici cette signature (cliquez pour agrandir) :

Epigr. tou Oropou 416, vers 250-200 av.J.C.

Thoinias fils de Teisikratès, Sicyonien, a fait.

Ce sculpteur n'est pas inconnu.

Son père, Teisikratès fils de Thoinias, de Sicyone, était un sculpteur réputé,
et l'on a retrouvé sa signature sur des bases de statues, au Ptoïon, à Delphes, à Thèbes, à Erétrie et à Oropos.
Il a vécu entre 320 et 284. Nous le savons par Pline l'Ancien, qui dans son Histoire Naturelle,
au livre XXXIV, consacré aux métaux et aux sculpteurs,
après avoir mentionné Euthykratès, fils de Lysippe, qui était aussi sculpteur, poursuit :

"huius porro discipulus fuit Tisicrates, et ipse Sicyonius, sed Lysippi sectae propior,
ut vix discernantur complura signa, ceu senex thebanus et Demetrius rex,Peucestes,
Alexandri magni servator, dignus tanta gloria".

Traduction :
" Ensuite son élève fut Teisikratès, lui aussi de Sicyone, mais il se rapprocha davantage du genre de Lysippe,
si bien que pour un bon nombre de statues on ne peut discerner si elles sont de Lysippe ou de Teisikratès,
par exemple un vieillard thébain, le roi Démétrius, ou Peucestès, sauveur d'Alexandre le Grand, digne d'une si grande gloire.

Quant à Thoinias lui-même, son fils, on a retrouvé sa signature sur des bases
à Délos, à Sicyone, à Tanagra et à Oropos (celle-ci et une autre).

Au dessous de la signature, a été gravé un décret honorifique :

Epigr. tou Oropou 31, vers 240-180 av.J.C.

Cliquez sur la photo pour agrandir le texte, qui n'est pas très facile à lire,
mais maintenant que vous êtes habitués au formulaire des inscriptions honorifiques d'Oropos,
vous ne devriez pas avoir de grandes difficultés à le déchiffrer.

Pausanias fils de Kirônidès a fait la proposition : attendu qu'Hermias ne cesse d'être dévoué envers la cité des Oropiens, et de se rendre utile en toute occasion envers ceux de nos conciyoyens qui sollicitent son aide, plaise au Conseil et au peuple qu'Hermias fils de Néarchos, Athénien, soit proxène et bienfaiteur de la cité des Oropiens, lui et ses descendants, et qu'il(s) ai(en)t le droit d'acquérir terre et maison, la garantie contre toute saisie et la sécurité en temps de guerre comme en temps de paix, sur terre comme sur mer, et tous les autres droits qui sont accordés par écrit aux autres proxènes et bienfaiteurs.

- La restitution à la fin de la ligne 4 n'est pas assurée.
Si c'est un singulier, les différents droits ne sont accordés qu'à Pausanias.
Si c'est un pluriel, ses descendants pourront à leur tour acquérir des biens immobiliers à Oropos.

- On remarquera que dans ce décret, à la différence des précédents,
il n'est pas question d'égalité devant l'impôt (isotéleia).
Or les cités grecques prélevaient généralement une taxe spéciale
qui frappait les étrangers propriétaires de biens immobiliers chez elles,
et le droit d'isoteleia dispensait ces étrangers d'avoir à payer cette taxe supplémentaire.

- Quels étaient tous les autres droits accordés par écrit à tous les proxènes et bienfaiteurs de la cité ?
On aimerait bien le savoir, mais malheureusement aucune pierre retrouvée jusqu'à maintenant n'en porte la mention détaillée.

- Pausanias est un nom très courant dans de nombreuses régions de Grèce,
par contre on ne connaît pas d'autre Kirônidès.

retour à la liste des bases.

retour au menu