l'inscription se trouve sur un côté de ce bloc de
section triangulaire
qui devait être un élément d'une
colonne ressemblant à celle
qu'avaient dressée les Messéniens en face du
temple de Zeus à Olympie,

et qui portait la
fameuse victoire sculptée par Paionios :
Approchons-nous :
puis tournons la photo :
FD III 4:34, 79 apr. J.C.
et cliquons sur l'image pour l'agrandir.
Belle gravure régulière. La forme de
l'ôméga

suffirait
à nous indiquer
qu"il s'agit d'une inscription d'époque impériale.
Traduction :
Dieu.
A la Bonne Fortune.
Les
Delphiens ont accordé à Markos Tourranios
Hermonikos, de Pouzzoles,
citharode,
qui a remporté brillamment le prix aux Pythia, la
citoyenneté,
à
lui et à ses descendants, la priorité pour
consulter l'oracle, la proxénie,
la
priorité en justice, la garantie contre toute saisie, un
siège d'honneur
lors
des spectacles, l'exemption de taxes, le droit d'acquérir
terre et maison,
et
tous les autres honneurs qu'elle accorde aux hommes de grande valeur.
Etant
archonte Titus
César Auguste, étant bouleutes
Agathôn et Antigonos.
Notre homme était
citharode,
c'est-à-dire qu'il excellait tant comme cithariste que comme
chanteur.
Cette spécialité de la citharodie
était la plus prisée de toutes,
ce qui explique que les Delphiens lui aient accordé de
grands honneurs.
Quintilien, dans son ouvrage
De l'institution oratoire,
décrit ainsi le travail du citharode :
An
vero citharoedi non simul et memoriae et sono vocis et plurimis
flexibus serviunt,
cum
interim alios nervos dextra percurrunt, alios laeva trahunt, continent,
praebent,
ne
pes quidem otiosus certam legem temporum servat, et haec pariter omnia? |
Les
citharèdes ne sont-ils pas obligés à
la fois de faire appel à leur mémoire,
de
s'appliquer au juste ton de la voix et à ses diverses
inflexions, et en même temps
de
pincer certaines cordes de la main droite, et d'en tirer, d'en tenir,
d'en relâcher d'autres de la gauche,
leur
pied même n'étant pas oisif, puisqu'il doit battre
la mesure, et tout cela simultanément ? |
Quant
à Apulée, dans ses
Florides
II, 15, il
décrit une statue de l'Héraion de Samos
en
suggérant l'attitude d'un citharode en pleine action :
eique
prorsus citharoedicus status: deam
conspiciens, canenti similis, tunicam picturis variegatam deorsus ad
pedes deiectus ipsos, Graecanico cingulo, chlamyde velat utrumque
brachium ad usque articulos palmarum, cetera decoris striis dependent;
cithara balteo caelato apta strictim sustinetur; manus eius tenerae,
procerulae: laeva distantibus digitis nervos molitur, dextra psallentis
gestu pulsabulum citharae admovet, ceu parata percutere, cum vox in
cantico interquievit; quod interim canticum videtur ore tereti
semihiantibus in conatu labellis eliquare. |
Il a l'allure d'un citharode : regardant
la
déesse, tel un chanteur, il porte une
tunique décorée de motifs peints qui lui
descend
jusqu'aux pieds ; il est ceint à la grecque. Sa
chlamyde lui couvre les deux bras jusqu'aux poignets, et tombe
en
plis gracieux. Sa cithare, fixée à un baudrier
finement
orné, est étroitement retenue. Ses mains sont
délicates, effilées. La gauche, les doigts
écartés, effleure les
cordes ; la droite, du geste du cithariste, approche le plectre de la
cithare, comme prête à frapper les cordes
quand la voix a cessé son chant ; et ce chant semble
couler de la bouche arrondie aux lèvres
entrouvertes par l'effort. |
Hermonikos était de
Puteoli,
(l'actuelle Pouzzoles, près de Naples),
antique colonie grecque fondée vers 530 av. J.C.,
sous le nom de Dikaiarchia ("le gouvernement juste"), par des Samiens
qui fuyaient le tyran Polycrate.
Elle devint colonie romaine vers 200 av.J.C. sous le nom latin de
Puteoli, la "ville des puits".
Le père ou le grand-père de notre Hermonikos
habitant Pouzzoles
avait pu recevoir la civitas romana de Marcus
Turranius,
préteur en 44 av. J.C.,
et dont Cicéron dit dans sa troisième Philippique
qu'il était"
homo summa integritate atque innocentia".
L'année où a été
voté ce décret honorifique,
l'archonte de Delphes était un empereur romain qui n'a
régné que de 79 à 81,
le fameux
Titus
dont Racine a fait le héros de sa tragédie
Bérénice.
On se rappelle ces vers fameux, que le conflit entre l'amour et la
raison d'Etat
(à laquelle doit finalement céder Titus) arrache
à la princesse Bérénice :
"Dans un
mois, dans un an, comment souffrirons-nous,
Seigneur,
que tant de mers me séparent de vous,
Que
le jour recommence et que le jour finisse,
Sans
que jamais Titus puisse voir Bérénice,
Sans
que de tout le jour je puisse voir Titus ?" |
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