Nous remontons le vallon du seul "fleuve" de l'île, l'Inopos.
Parmi d'autres maisons, se niche un petit sanctuaire des dieux égyptiens
Sarapis, Isis et Anubis.
On l'appelle le Sarapieion A,
et son histoire nous est racontée par le menu
grâce à une longue inscription de près d'une centaine de lignes,
qui narre sa fondation dans un lieu ainsi décrit :
ID XI,4 1299 lignes 18-19 : Ce lieu était plein d'excréments.
et lignes 53-55 : un lieu auparavant ignoble et
insignifiant, toujours rempli
d'immondices de toutes sortes depuis très longtemps.
Dans la cour, des bancs le long des murs.
Sur la tranche de l'un de ces bancs,
une dédicace toute en longueur, que vous découvrirez en cliquant sur
l'image.
IG XI 4 1220
Traduction :
A
Sarapis, Isis et Anubis, Glaukias fils de Kalliphanès, d'Amorgos, (a
consacré ce banc) comme dîme,
Dèmètrios fils de Diallos s'en étant chargé.
---> Le
culte d'Isis s'est
répandu en Grèce dès le IVe s. av. J.C.,
et l'on comprend que dans la Délos cosmopolite il ait eu ses fidèles.
Un joli relief représente cette déesse :
qui avait aussi son temple, dominant toute la ville de Délos, sur la
pente du Cynthe.
---> Quant à
Sarapis, son origine est
légèrement moins ancienne,
puisqu'il apparaît seulement à l'époque où l'Egypte tombe sous la
domination
des Ptolémées. Mais son culte se répand rapidement, avec celui d'Isis,
dans tout le monde gréco-romain.
---> Le
dédicant, un certain Glaukias, est originaire de l'île d'Amorgos.
Mais il ne précise pas de laquelle des trois cités de l'île,
Minoa, Arkésinè, Aigialè, il est citoyen.
---> Et ce
qu'il offre aux dieux, vraisemblablement le banc,
en tant que "dékatè" (= le
dixième ),
je l'ai traduit par : une "dîme", mais de
quoi s'agit-il ?
A Delphes, par exemple, un peuple ou une cité qui avait gagné une
guerre contre un ennemi
offrait au dieu Apollon le dixième du butin pris
à l'ennemi,
et de nombreuses inscriptions portent cette expression.
En voici une :
" les citoyens de Kaphyiai ont dédié à Apollon le
dixième du butin pris aux ennemis"
Mais ici il ne peut s'agir de la même chose :
pas de peuple, pas de guerre,
c'est juste un fidèle qui est venu faire une offrande aux dieux de son
choix.
---> Une
dernière remarque, à propos du participe "épimélèthentos
" :
Ne nous y trompons pas :
Ce Dèmètrios fils de Diallos n'a pas été "épimélète de l'île".
Car les épimélètes de Délos, nommés pour un an par Athènes,
sont toujours désignés par le nom de leur charge,
jamais par le participe aoriste passif du verbe "épiméloumai
".
Quand on rencontre ce participe, à Délos ou ailleurs (les occurrences
sont nombreuses),
il s'agit toujours de nommer une personne qui s'est occupée
- d'un travail :
- d'une construction :
- de l'érection d'un monument :
- ou d'une dédicace : .
Dèmètrios fils de Diallos a dû s'occuper de faire construire ce banc
et/ou d'y faire inscrire la dédicace,
sur les instructions de l'Amorgien Glaukias qui entre temps avait dû retourner chez lui.
Quatre autres inscriptions (IG XI,4 1216, 1217, 1218 et 1219) mentionnent ce Dèmètrios
comme fidèle des dieux égyptiens à Délos, ayant pris en charge des consécrations à ces dieux.