Me promenant le long des remparts de Thessalonique,
je songeais à la belle scène du chant VI de
l'Iliade
où Homère évoque les tendres adieux
d'Hector et d'Andromaque sur les remparts de Troie.
Andromaque essayait de retenir Hector en lui disant :
mais Hector n'avait pas le choix : il
devait aller se battre pour défendre les Troyens.
Il se pencha vers son fils, pour le prendre dans ses bras,
mais l'enfant fut effrayé par le casque de son
père.
Hector déposa son casque sur le mur,
Je continuais ma promenade, descendant vers la mer,
et là, entre la Rotonde
et l'entrée de l'Université Aristoteleion,
comme je traversais sur un joli pont de bois un espace où ne
subsistent du rempart
que quelques vestiges dépassant
à peine du sol,
j'aperçus parmi eux cette stèle
couchée, comme endormie
:
Je m'approchai pour la lire :
traduction : Sextia Sekundila, à
Markos Kotios Noumènios, son
très tendre mari, en
souvenir.
Sans la gloire héroïque des héros de
l'Iliade,
c'était cependant aussi un adieu ému
d'une femme à son mari,
et qui s'offre encore au promeneur, près de 2000 ans plus
tard.
Le nom de la femme a été lu (IG X,2 1 319)
comme Settia,
mais il me semble impossible de lire un T en troisième
lettre.
J'y vois plutôt un ksi ou un sigma carré,
et les deux noms de Sextia et de Sestia sont également
attestés.
Sekundila ne se rencontre nulle part ailleurs dans les inscriptions
grecques,
alors qu'on trouve souvent des Sekunda.
Tous ces noms sont romains,
à part Noumènios, qui désigne en grec
la nouvelle lune, premier jour du mois :
ce nom, qui n'est pas rare, a dû être
donné à
l'origine à des enfants nés ce jour-là.
Qu'observe-t-on dans l'écriture
?
- L'association ("ligature") du O et du Y au milieu de la ligne 2 et
à la fin de la ligne 3 ;
- comme seules autres ligatures, celle du M et du H,
et celle de l'ôméga et du gamma, à la
ligne 4,
ainsi que celles de MNH-MH-C à la ligne 6 ;
- des variantes dans la gravure de l'ôméga,
tantôt comme un M retourné (lignes 3 et 4),
tantôt en majuscule parfaitement arrondie (lignes 4 et 5) ;
- un epsilon tantôt droit (ligne 1), tantôt
creusé comme un sigma (ligne 2) ;
- une même variation entre le sigma de la ligne 1 et celui de
la ligne 2.
Enfin les mots sont séparés par un petit point,
sauf bien sûr dans le cas de la ligature ligne 4,
et des feuilles de lierre (hedera)
décorent les espaces libres.
Faut-il y voir aussi un symbole d'immortalité, le lierre
étant une plante à feuilles pérennes ?