initiation à l'épigraphie grecque par Claire Tuan, Strabon-Attique



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Description de l'Attique par Strabon.


Dans ce passage (Livre IX, 12-22),
Strabon cite une trentaine de dèmes de l'Attique,
 que j'ai fait apparaître ici en plus foncé.

Je cite presque in extenso ce texte pour l'intérêt que présente sa lecture
à divers points de vue (historique, géographique, artistique, mythologique).

 (La traduction est celle d'Amédée Tardieu, 1867, et j'ai juste re-grécisé les noms propres qu'il avait latinisés :
par exemple j'ai remplacé Jupiter par Zeus).


12. "Passé cette frontière (avec la Mégaride), la ville d'Eleusis se présente la première, avec son temple de Dèmèter Eleusinienne et ce sêcos ou sanctuaire mystique, bâti sur un plan assez vaste pour pouvoir contenir autant de monde qu'un théâtre par le même Ictinos qui, du temps que Périclès avait à Athènes la surintendance des travaux publics, y éleva dans l'Acropole en l'honneur d'Athéna le temple du Parthénon. La ville d'Eleusis est au nombre des dèmes de l'Attique.  
13. Le champ Thriasien, avec la plage et le dème de même nom, lui succède ; puis, après avoir dépassé la pointe d'Amphialé que domine une carrière de marbre, on arrive à ce détroit large à peine de deux stades où se fait habituellement la traversée entre la côte d'Attique et Salamine, et que Xerxès avait entrepris de combler quand il se vit prévenu par la bataille de Salamine et la dispersion de sa flotte. [...]  
14. Au-dessus de cette partie du rivage est le mont Corydallos, avec le dème des Corydalléens ; puis viennent successivement le Phorônlimen, Psyttalie, îlot désert et rocheux qu'on a quelquefois appelé la taie du Pirée, une autre petite île tout à côté appelée Atalanté comme l'île située entre l'Eubée et la Locride, un troisième îlot (tout pareil celui-là à Psyttalie), enfin le Pirée, qui compte aussi parmi les dèmes de l'Attique, et, après le Pirée, Munychie.  
15. Munychie est une colline qui s'avance dans la mer en forme de presqu'île, et qui se trouve percée à l'intérieur de cavernes et de galeries, les unes naturelles, les autres artificielles, mais pouvant toutes servir d'habitations. Trois ports à chenal étroit s'ouvrent au pied de ce promontoire. Par ses fortifications et par son plan général, Munychie anciennement ressemblait à la ville de Rhodes : elle comprenait dans son enceinte le Pirée et ses différents ports ou bassins, avec toutes leurs dépendances, avec le bel arsenal notamment qu'y a bâti Philon. C'était, comme on le voit, un établissement maritime en rapport avec l'importance de la flotte athénienne, Athènes, à cette époque, n'entretenant jamais moins de quatre cents vaisseaux. Au mur d'enceinte de Munychie venaient aboutir les skeles, longs murs tirés au cordeau depuis Athènes sur un espace de quarante stades, et destinés à relier cette ville au Pirée. Mais tant de guerres successives ont ruiné le mur d'enceinte et les fortifications de Munychie, et réduit le Pirée à n'être plus qu'une chétive bourgade dans le voisinage des ports et du temple de Zeus Sauveur. Les stoïdes de ce temple cependant ont conservé quelques belles peintures, oeuvres d'artistes éminents, et l'hypaethre est encore décoré de quelques-unes de ses statues. En revanche, les Longs-Murs eux-mêmes ont disparu : rasés une première fois par les Lacédémoniens, ils ont été définitivement démolis par la main des Romains, quand, après un long siège, Sylla eut emporté d'assaut le Pirée et l'Astu.  
16. L'Astu ou ville proprement dite est un rocher qui s'élève du milieu de la plaine et qu'environnent de tous côtés des habitations. Au faîte même du rocher s'élève le sanctuaire d'Athéna, composé et de l'ancien temple dit d'Athéna Poliade, où brûle une lampe qui ne s'éteint jamais, et du Parthénon, construit par Ictinos et décoré de la statue de la déesse en ivoire, chef-d'oeuvre de Phidias. [...] Polémon le Périégète a consacré quatre livres rien qu'à l'énumération des pieuses offrandes que l'Acropole renferme ; et pour toutes les autres parties, soit d'Athènes, soit de l'Attique, son procédé est le même : il dit qu'Eleusis est l'un des cent soixante-dix, voire des cent soixante-quatorze dèmes qu'on prétend exister en Attique, mais il s'en tient là, sans nommer un seul dème de plus.  
17. Et cependant à ces dèmes (sinon à tous, du moins au plus grand nombre) se rattachent maintes légendes sacrées, maints souvenirs historiques. Aphidna rappelle l'enlèvement d'Hélène par Thésée et les cruelles représailles des Dioscures après qu'ils eurent délivré leur soeur ; Marathon rappelle la grande bataille contre les Perses, et Rhamnonte cette statue de Némésis due au ciseau de Diodote, d'autres disent d'Agoracrite de Paros, mais digne, à coup sûr, par sa perfection, par la justesse de ses proportions et, la beauté de ses lignes, de rivaliser avec les plus belles oeuvres de Phidias. D'autre part on se souvient que Decélie a servi de place d'armes aux Péloponnésiens pendant toute la guerre décélique, et que Phylé a été l'asile d'où Thrasybule a ramené les proscrits du parti populaire au Pirée et du Pirée à Athènes ; et nous pourrions citer encore maint autre dème dont le nom évoque ainsi des souvenirs historiques.[...]    
 20. [...] Comme l'Attique se trouvait exposée à la fois, du côté de la mer, aux descentes des Cariens, et, du côté de l'intérieur, aux courses des Béotiens ou Aones, Cécrops eut le premier l'idée de réunir toute la population du pays et d'en former douze villes. De ces douze villes, qui furent appelées Epacria, Decelia, Eleusis, Aphidna (ou, avec la forme du pluriel qu'on rencontre quelquefois, Aphidnae), Thoricos, Brauron, Kytheros, Sphettos, Kephisia..., Thésée, suivant la tradition, fit plus tard une seule et même cité qui est la ville actuelle. Gouvernés à l'origine par des rois, les Athéniens adoptèrent, avec le temps, le régime démocratique, et, bien que leur liberté ait eu à souffrir dans l'intervalle, soit des entreprises des tyrans tels que Pisistrate et ses fils, soit de l'établissement d'oligarchies violentes, telles que l'oligarchie des Quatre-Cents et celle des Trente tyrans que soutenaient les Lacédémoniens, en général, ils secouèrent assez facilement le joug qu'on leur avait imposé, et réussirent à maintenir leur constitution démocratique jusqu'à l'époque de la conquête romaine. Il est vrai que les rois de Macédoine durent les violenter quelque peu pour les amener à leur jurer obéissance, mais ils n'en respectèrent pas moins leur constitution dans ses traits essentiels. On a même prétendu que jamais Athènes n'avait été mieux administrée que pendant les dix années que dura le règne de Cassandre en Macédoine. Et, de fait, ce prince, qui, dans tout le reste, paraît avoir été plutôt porté à la tyrannie, témoigna aux Athéniens, une fois qu'ils eurent fait acte de soumission envers lui, une bienveillance particulière. C'est ainsi qu'il leur donna pour administrateur un des leurs, Démétrios de Phalère, disciple et ami de Théophraste, qui, loin de détruire à Athènes la constitution démocratique, s'employa au contraire à la restaurer, comme l'attestent les Mémoires qu'il a composés sur son administration. Mais, à la longue, la jalousie naturelle aux Athéniens et leur horreur de l'oligarchie reprirent le dessus, et, lorsque Cassandre vint à mourir, Démétrios fut forcé de s'enfuir en Egypte. Ses statues, au nombre de plus de trois cents, furent renversées par les insurgés et fondues[...]. Athènes était donc encore en pleine possession de sa constitution démocratique, quand les Romains reçurent sa soumission ; eux aussi lui laissèrent son autonomie et sa liberté ; en revanche, après que la guerre contre Mithridate eut éclaté, elle dut subir les nouveaux tyrans qu'il plut au roi barbare de lui imposer, Aristion, notamment, le plus puissant et le plus violent de tous. Enfin Sylla, à la tête de l'armée romaine, reprit Athènes, il envoya Aristion au supplice et pardonna aux Athéniens, qui depuis vingt ans n'ont plus cessé de jouir d'une liberté complète, en même temps que de l'estime et de la considération des Romains.  
21. Le premier dème qui se présente sur la côte après le Pirée est le dème des Phaléréens ; puis viennent ceux des Halimuses, des Aixonéens, des Halaiens-Aixoniques, des Anagyrases, suivis de ceux des Thoraiens, des Lamptréens, des Aigiliéens, des Anaphlystii et finalement des Azéniéens, ce dernier dème s'étendant jusqu'au cap Sounion.[...]  
22. Le cap Sounion doublé, on arrive à Sounion même, chef-lieu d'un dème très considérable, puis à Thoricos et à Potamos, qui donne son nom au dème des Potamii. Viennent ensuite Prasia, Stiria, Brauron, avec le temple d'Artémis Brauronia et [Halae Araphén]ides avec celui d'Artémis Tauropole, puis Myrrhinonte, Probalinthos et Marathon [...]. Passé Marathon, on arrive à Tricorynthos, puis à Rhamnonte, où Némésis a ce fameux temple ; enfin, à Psaphis, dépendance d'Oropos.   [...] Quant aux dèmes de l'intérieur de l'Attique, ils sont si nombreux qu'il serait en vérité par trop long de les énumérer tous".





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