initiation à l'épigraphie grecque par Claire Tuan, écriture et dialecte de la Béotie



orchomene-cadran retour à Orchomène.

Quelques notions de béotien...

Très modestement,
j'ai pioché dans le livre de C.D.Buck, Greek Dialects,
ainsi que dans quelques articles du BCH,
et me propose seulement de susciter la curiosité,
et de montrer par quelques exemples que la langue grecque
était loin d'être unique et standardisée dans la Grèce antique.

Je prie instamment ceux qui verraient des erreurs dans ma présentation
de me les signaler afin que je les corrige aussitôt !

1. l'évolution de l'alphabet béotien

-Dans le vieil alphabet béotien, le Η note l'aspiration, et on a Ψ pour le khi, ainsi que X pour le ksi.
La réforme de l'alphabet a lieu dans le courant des années 380 av. J.C.,
 et en 378 av. J.C. on est sûr que les Thébains utilisent le nouvel alphabet.

Le  digamma subsiste en Béotie dans le nouvel alphabet, car les Béotiens en ont besoin.
Il est fréquent jusque vers 200 avant J.C..

ex.: digammaυκία pour οἰκία

2. la prononciation

fermeture des voyelles et diphtongues :

    - à partir du -Ve s.,

        . ε devant voyelle devient ι, ex.:  θιός pour θεός
        . ει devant voyelle devient ι, ex.: ἀσφάλια pour ἀσφάλεια

    - au début du -IVe s.,

        . αι devient η, ex.: κὴ εὐεργέτης pour καὶ εὐεργέταις
       
. η devient ει, ex.: Δαμοσθένεις pour Δαμοσθένης

    - au -IVe, et surtout après -300,

        . υ devient ου (ex.: ἀσουλία pour ἀσυλία), puis ιου (ex.: τιούχαν pour τύχαν)

    - vers -250,

        . οι devient υ, ex.: τῦς ἄλλυς προξένυς pour τοῖς ἄλλοις προξένοις
        . de même le datif -ωι devient : υ (ex.: τῦ δάμυ pour τῶι δάμωι)

    - quelquefois au -IIe s.,

        . οι devient ει.    ex.: βείλομαι = βούλομαι


L'usage de la koinè attique devient important vers la fin du -IIIe s.
Mais la plupart des inscriptions béotiennes sont dialectales jusque vers le milieu du -IIe s.

Voici un exemple de décret écrit en dialecte béotien :

Vous y retrouverez tous les phénomènes décrits ci-dessus :

IG VII, 3167  — Orchomène — peu avant le milieu du IIIe s. av. J.C.

   θιὸς
τιούχαν ἀγαθάν. Ἀλεύα<ο> ἄ[ρ]-
χοντος ἔδοξε τῦ δάμυ Ἐ[ρ]-
χομενίων Ἀγέδικον Δα-
φίταο Ἠολεῖα ἀπ’ Ἀλεξαν-
[δρ]είας πρόξενον εἶμεν
[κὴ] ε̣ὐεργέταν τᾶ<ς> πόλιος Ἐ[ρ]-
[χο]μενίων κὴ αὐτὸν κὴ ἐσ-
[γ]όνως, κὴ εἶμεν αὐτῦ γᾶς
[κὴ]  digammaυκίας ἔπ<π>ασιν κὴ ἀσφάλι-
[α]ν κὴ ἀτέλιαν κὴ ἀσουλίαν
[κ]ὴ κατὰ γᾶν κὴ κατὰ θάλατ-
[τ]αν κὴ πολέμω κὴ ἰράνας ἰώ-
[σ]ας, κὴ τὰ ἄλλα ὁπόττα
[κ]ὴ τῦς ἄλλυς προξένυς
[κ]ὴ εὐεργέτης.


3. le vocabulaire


Quelques particularismes béotiens parmi d'autres :

πεδά = μετά
digammaίκατι = εἴκοσι
-κάτιοι = -κόσιοι
τοί, ταί = οἱ, αἱ
κὴ = καὶ
ἱαρός = ἱερός
Ἄρταμις = Ἄρτεμις
πρᾶτος = πρῶτος
ἐν = εἰς
ἐς = ἐξ (devant consonne)
ἐσς = ἐξ (devant voyelle)
κά = ἄν
πόκα = πότε
εἴνιξαν = ἤνεγκαν
ἅλωμα = ἀνάλωμα
ἔππασις,  ἔνπασις,  ἔπασις = ἔγκτησις


-> les noms de personne en -ώνδας (comme Ἐπαμινώνδας)  sont fréquents en Béotie et rares ailleurs.
-> le patronyme est un adjectif en -ios : On peut regarder comme postérieures à 330
les inscriptions où le remplacement du patronymique par le nom propre au génitif est fréquent.


4. Morphologie


Juste quelques exemples de particularismes béotiens :

- génitif masc sg 2ème décl en -ᾱο
 - ἀνέθεαν ou ἀνέθιαν = ἀνέθηκαν
 - infinitifs présents actifs en -έμεν
- εἶμεν comme infinitif du verbe être
- l'aoriste ἔλεξε = εἶπε
 - 3ème pers pl en -νθι