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Les pierres qui parlent
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A la découverte de l'épigraphie grecque,
cliquez sur la fenêtre ci-dessous :

fenêtre à Vathia, dans le Magne

Si on prend le temps de s'approcher des pierres qui jonchent les sites archéologiques grecs,
on s'aperçoit qu'elles sont incroyablement bavardes.
Car dans l'Antiquité, les Grecs écrivaient énormément de choses sur ces pierres.
En fait, plutôt que de dire : "ils écrivaient", il faudrait rectifier :
"ils faisaient graver par des artisans", qui étaient payés au nombre de lettres ou de lignes.
Rude métier, où l'erreur n'était pas permise, car la pierre coûte cher, et puis,
essayez donc d'effacer vos erreurs une fois que vous avez creusé la pierre !

inscription fautive à la Marmaria de Delphes
image 1

Regardez l'image 1, à gauche. Les lettres sont très belles, finement tracées.
Mais le soleil devait taper dur ce jour-là, et le graveur est passé directement du premier au deuxième
E du mot APXIEPEA.
Dommage, car le travail était déjà bien avancé.
Alors quelle solution l'artisan a-t-il trouvée ? Vous la verrez mieux sur l'image 2, à droite.
 agrandissement de la même inscription
image 2




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Maintenant posons-nous plusieurs questions :

En lisant attentivement la suite, vous trouverez des réponses à toutes ces questions  !




En fait, toutes sortes de textes, des plus courts aux plus longs,
étaient gravés sur toutes sortes de pierres.
 En voici quelques exemples :
pour rappeler les victoires d'un athlète pour un musicien, ante du trésor des Athéniens affranchissements d'esclaves à Delphes
image 3 : dans chaque cercle est inscrite l'une des nombreuses victoires remportées par un musicien. A Delphes. image 4 : honneurs pour un musicien, gravés sur l'ante de gauche du trésor des Athéniens, à Delphes. image 5 : actes d'affranchissements d'esclaves, sur le mur de soutènement du temple d'Apollon, à Delphes.


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Où se trouvaient les inscriptions ?
Les images ci-dessus vous ont déjà donné une idée :
sur des murs, sur les bases des statues, et sur des stèles.

 Les stèles honorifiques se devaient d'être installées
à un endroit où beaucoup de gens pouvaient les lire.
encoches sur le rocher, qui étaient destinées à recevoir des stèles : voici ensuite ce qui reste d'une stèle qui avait été scellée au plomb, à Messène :
et enfin voici une des très rares stèles encore en place, à Delphes :

encoches
image 6
scellement de stèle a Messene
image 7
stèle en place
image 8


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Quant au contenu des inscriptions, comme il est hors de question,
dans le cadre de cette première présentation,
 de faire le tour de toute l'épigraphie grecque,
nous présenterons seulement
quatre types d'inscriptions,
parmi les plus fréquentes et les plus faciles à reconnaître.



1. les  dédicaces


Souvent très brèves, elles mentionnent un dieu, dont le nom était au datif.
Ainsi sur l'image ci-dessous, où l'on voit écrit en lettres archaïques :
"à Athéna Ouvrière"
 
  dedicace a Athena Ergana
image 9
            transcription de athanai warganai
Sur la pierre, la première lettre de la deuxième ligne est le fameux "digamma", ainsi appelé parce qu'on dirait deux gamma majuscules l'un sur l'autre. Cette lettre, qui servait à noter le son "w" qu'on trouve dans le mot "watt", a très tôt disparu et il est rare qu'on la trouve sur des pierres.


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Un peu plus longue, cette dédicace offerte à Delphes par les habitants d'une cité (nom tronqué), et qui dit :

" les citoyens de Kaphyiai ont dédié à Apollon le dixième du butin pris aux ennemis"
pris sur les ennemis
image 10
          transcription kaphyies
 Cette inscription est elle aussi très ancienne.
L'êta et l'ôméga n'existent pas encore,
le "e" long qui sera noté ensuite "ei" non plus.
Ils apparaîtront à la fin du Vème siècle av.J.C.
D'où
l'epsilon et les trois omicron que j'ai soulignés.
Par ailleurs l'upsilon a encore la forme d'un V, le thêta a une croix, le phi pourrait se confondre avec un thêta, mais il n'a qu'une barre verticale dans le cercle, le delta ressemble à notre D, et l'aspiration est marquée par un H, qui ensuite servira à noter le ê long.



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D'autres fois on trouve, inscrite sur la base d'une statue,
une simple phrase sans verbe, du genre :
 
"X (a fait représenter) Y" 
ou bien :
"X
(a honoré) Y"

On voit alors le nom de Y d'abord, à l' accusatif ,
suivi du nom de X, au
nominatif .


Ainsi à Delphes, des élèves, pour remercier leur professeur (= un sophiste),
qui s'appelait Apollônios, ont fait graver sur la base de la statue qui le représentait :

"Apollônios le sophiste,
ses élèves".
pour un sophiste
image 11
                      apollonion transcription 
Cette inscription, à l'inverse des deux précédentes, est assez tardive. Deux lettres vous l'indiquent : le sigma en forme de C, et l'ôméga en forme de W arrondi.


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Et maintenant, voici ce que dit
une inscription que l'on peut voir en visitant le sanctuaire d'Apollon à Delphes,
après le trésor des Athéniens, juste devant le portique des Athéniens,
sur la gauche en montant. (cliquez ici pour voir le plan).
Il s'agit de la base d'une statue,
 mais hélas, comme des milliers d'autres,
 cette statue a disparu.
Reste ceci, qui est bien intéressant :
en majuscules en minuscules


"Satyros fils d'Eumène, de Samos. (nom de l'homme figuré sur la statue)
A lui, le premier et le seul, il est arrivé de se présenter au concours d'aulos
sans concurrents (ce qui signifie que personne n'a osé se mesurer à lui !)
et d'avoir été jugé digne d'offrir au dieu et aux Grecs, après le concours gymnique,
lors du sacrifice, sur le stade pythique, un chant avec choeur, "Dionysos",
et une composition à la cithare, tirée des Bacchantes d'Euripide."


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2. Les inscriptions funéraires


Elles aussi sont souvent courtes, avec le nom du défunt, au nominatif,
suivi habituellement du nom de son père au génitif,
et d'un adjectif qui indique de quelle cité il vient.
Par exemple :

Périclès, (fils de) Xanthippe, Athénien.

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S'il s'agit d'une femme, on voit sur l'image ci-dessous qu'elle est désignée comme :

"Bérénikè, (fille + génitif) d'Isidôros,
Milésienne,
femme de Ménandros
(du dème) d'Aithalidai".

berenikè
image 12

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Il arrive que des stèles funéraires portent
des inscriptions plus longues et émouvantes,

 qui tantôt racontent les circonstances de la mort,
 tantôt vantent les mérites du défunt,

tantôt s'adressent au passant pour lui donner des conseils.
Voici deux exemples de ces épitaphes, trouvées sur l'île d'Amorgos :

"Etranger, cette pierre rappelle par son décor l'enfant disparu de Terpnos.
La terre des morts le renferme,
lui, Sophilos, qui a vécu
dix-huit ans d'existence.
Le sort lui a ravi
le cours de sa jeune vie."
"Ici la terre recouvre
 l'Asclépiade Maiandros,
qui trouva le remède
à de nombreuses maladies épuisantes des mortels,
écartant le sort funeste
de la mort sans espoir.
Il avait hérité du talent de son père Maiandros."
 
Voir aussi cette épitaphe, à Thessalonique, ou d'autres, à Dion.

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Les inscriptions longues sont souvent d'autant plus intéressantes,
car elles nous donnent une foule de renseignements sur la vie quotidienne,
sur les décisions politiques, sur les règlements des cérémonies religieuses, etc.
Bien sûr il n'est pas question d'étudier tout cela en détail ici, mais comme
les inscriptions sont beaucoup plus faciles à comprendre que les textes littéraires
pour un helléniste encore un peu débutant, vous allez découvrir ci-dessous,
à propos de deux types d'inscriptions, des formules qui reviennent très souvent,
d'un bout du monde grec à l'autre.

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  3. les décrets honorifiques

Un homme (ou parfois une femme) a rendu de grands services à la cité.
On décide de le (la) remercier, en faisant graver une stèle
 que l'on installera en un lieu bien visible pour que beaucoup de gens puissent la lire.
 Le texte commencera comme tous les décrets "Il a plu à la boulè et au peuple, ..."             

edoxen...image 13

 mais ensuite on découvrira qui est honoré et pour quelle raison :
"... d'honorer Untel en raison de son grand dévouement etc...",

et à la fin du décret il y a les récompenses promises :
" Qu'on lui accorde le droit de cité, le droit de consulter en priorité l'oracle,
le droit d'acquérir des terres et une maison, etc..."

Voici le début d'un tel décret : (cliquez ici pour obtenir les explications)
Dans l'image ci-contre, l'homme à qui le Conseil Olympique a accordé des honneurs était un professeur, un "sophiste". Son nom, Flavios, nous indique qu'il vivait à l'époque où les cités grecques étaient sous domination romaine. Il n'est pas de la région d'Olympie, mais de Thessalie, plus au nord encore que Delphes. inscr. Olympie
image 14


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On pouvait honorer ainsi toutes sortes de gens,
comme un médecin, un athlète,
une personne qui avait payé les réparations d'un monument de la cité,
des juges venus d'une autre cité grecque
pour résoudre de façon plus impartiale des conflits,
un médecin, un roi étranger, une musicienne, etc.
Mais si l'on consulte les inscriptions du sanctuaire d'Apollon à Delphes, on s'aperçoit avec étonnement qu'il y en a plusieurs centaines qui sont rédigées exactement avec les mêmes mots, les mêmes phrases que celle qui vous est présentée ci-contre. Seuls changent les noms des personnes.

C'est comme si en France,
au lieu de mettre sur un même
monument aux morts la liste
de tous les soldats tués pendant
les deux guerres mondiales, 
on avait élevé un monument
pour chacun d'entre eux :
imaginez l'ennui de lire cent fois
les mêmes phrases,
et puis, quel encombrement !


Par ailleurs, si cinquante personnes revendiquaient en même temps l'un de ces privilèges qui leur avaient été accordés, est-ce que c'était encore un privilège ? Mieux valait sans doute ne pas trop essayer, et se contenter du plaisir d'amour-propre d'avoir été honoré, et d'avoir SA stèle dans un endroit bien visible du sanctuaire.

Delphoi edokan


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Si vous avez bien observé et étudié le décret honorifique ci-dessus,
vous allez pouvoir jouer au "pro" et étonner vos amis !
Par exemple si vous découvrez une pierre cassée sur laquelle
ne figurent plus que ces quelques pauvres lettres :

talla osa
vous savez maintenant qu'il s'agit d'un décret honorifique,
et
vous pouvez restituer tout ce qui manque
 (voir dans l'inscription ci-dessus),
 excepté bien sûr les noms propres.

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Vous pouvez aussi jouer au pendu antique,
et compléter sans problème l'inscription suivante,
sachant que chaque tiret correspond à une seule lettre,
et que les mots ne sont pas séparés :


pendu


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Prêts pour un test de niveau supérieur 
 cliquez ici.
Cette fois le texte de l'inscription est complet,
c'est à vous de le traduire.
Il s'agit là encore d'un décret honorifique trouvé à Delphes.
S'il vous manque quelques mots, vous trouverez leur sens à la page suivante :
 http://elearning.unifr.ch/antiquitas/outils/4/

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Maintenant que vous vous êtes familiarisés avec ce type d'inscriptions
 vous pouvez aller lire tous les décrets honorifiques qui ont été gravés
 dans le sanctuaire d'Amphiaraos à Oropos.

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  4. les affranchissements d'esclaves
De très nombreux textes ont été gravés à Delphes sur le beau mur polygonal qui apparaît au bas de l'image ci-contre, et qui soutient la terrasse du grand temple d'Apollon dont on voit les colonnes.
Beaucoup de ces textes, assez longs, sont des actes d'affranchissements d'esclaves.
En effet, pour affranchir un esclave, on le "vendait"au dieu Apollon, qui dans sa grande bonté accordait la liberté à l'esclave en question. Une inscription qui porte un tel texte est facile à reconnaître, car ici encore les formules sont toutes identiques, seuls changent les noms des personnes (le vendeur, l'esclave, celui qui se porte garant) ... et le prix de vente, qui varie de 3 à 15 mines.


Une mine = 100 drachmes. Sachant qu'au IVe siècle avant J.C. on payait un soldat 10 à 30 drachmes par mois, le prix d'un esclave aurait permis de payer un soldat pendant combien d'années ?

le temple d'Apollon à Delphes
image 15




Approchons nous d'abord de l'un de ces textes : il suffit pour cela de longer le fameux mur polygonal.
mur polygonal
image 16
Hm... pas si facile à lire !
Un bon truc lorsque vous serez
face à ce mur :
Essayez d'avoir un éclairage rasant.

Si le soleil ne le permet pas, deux accessoires vous seront bien utiles : une lampe de poche et/ou un petit miroir pour renvoyer les rayons du soleil dans la bonne direction.

Sur cette photo, vous devez pouvoir lire au moins deux mots vers le milieu. Un qui signifie "les citoyens" et l'autre qui est un nom de personne qui en français a donné le prénom "Denis".


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Plongeons ensuite au coeur de ces textes
 pour y découvrir la façon dont on exprimait
cette "vente fictive" d'un esclave au dieu Apollon Pythien.
Vous remarquerez qu'on ne dit pas : "un homme", "une femme", "un enfant",
en parlant de ces esclaves, mais :
formules des décrets d'affranchissement
Traduction:  à Apollon Pythien
un corps d'homme (ou de femme, ou d'enfant)
dont le nom est : ***
né dans la famille (ou d'origine ***)
d'une valeur de cinq mines d'argent<
(ou trois, ou dix) etc.

Pour en savoir plus sur les affranchissements d'esclaves à Delphes, rendez-vous ici.

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Maintenant que nous avons découvert quelques exemples d'inscriptions et quelques clés pour les lire,
nous avons rencontré parfois des différences dans la forme des lettres et même dans leur valeur.
Ce n'est pas étonnant quand on pense que les Grecs anciens ont écrit sur la pierre  pendant plus de mille ans.
Et lorsque le contenu d'une inscription ne nous donne pas d'autres renseignements plus précis,
c'est d'après la forme des lettres que l'on peut savoir approximativement de quand elle date.


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fin de cette première initiation,
 suivie d'un grand nombre de pages d'approfondissement,
sous forme de "promenades épigraphiques ".
Rendez-vous pour la première de ces promenades :
au Louvre


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ou bien, pour choisir votre itinéraire, allez directement au menu rameurs


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